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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/525

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Tout à l’heure il ne s’est pas contenté de dire : Quand je parlerais des langues inconnues ; il a dit : Quand je parlerais toutes les langues des hommes. Il a été plus loin ; il a dit : Quand je parlerais toutes les langues des anges, et il a démontré qu’un pareil donne serait rien sans la charité. C’est ainsi que maintenant il ne parle pas du don de prophétie simplement, mais de ce don dans toute son étendue. Après avoir dit : Quand j’aurais le don de prophétie, il ajoute : « Quand je connaîtrais tous, les mystères, et que j’aurais une « science parfaite de toutes choses », en insistant sur ce don avec emphase.
4. Passant aux, autres dons spirituels, pour ne pas tomber dans une fastidieuse énumération, il place avant tout, en l’élevant bien haut, la mère et la source de tous les dons spirituels. Il dit : « Quand j’aurais la foi ». Cette expression ne lui suffit pas. Il ajoute ce mot employé par le Christ pour marquer les plus grands effets de cette vertu. « Quand j’aurais une foi capable de transporter les montagnes, sans la charité, je ne serais rien ». Voyez comme il rabaisse encore le don des langues. Selon lui, la prophétie a le grand avantage de pénétrer les mystères et d’avoir la toute science ; la foi opère avec force, puisqu’elle transporte les montagnes : mais, quand il parle du don des langues, il se borne à dire que c’est un don spirituel. Voyez aussi comme il a su résumer tous les dons en deux mots, « la prophétie » et « la foi », car tous les signes miraculeux consistent soit en paroles soit en actions. Mais le Christ avait dit que c’était un des moindres effets de la foi de transporter les montagnes. Car c’est en ce sens qu’il a prononcé ces mots : « Avec une parcelle de foi aussi minime qu’un grain de sénevé, vous direz à cette montagne : Passe de ce côté, et elle y passera ». Comment donc se fait-il que Paul fasse consister dans ce miracle toute la puissance de la foi ? Que répondre à cela ? Le voici. Saint Paul s’est servi de cet exemple, parce que c’est beaucoup, de transporter une montagne. Il n’a pas voulu renfermer dans cet acte toute la puissance de la foi ; mais il s’est servi de cette image pour développer son idée, pour frapper des hommes simples. Il veut en venir à l’expression de cette vérité : j’aurais beau avoir une foi capable de transporter les montagnes, je ne serais rien sans la charité. « Et quand j’aurais distribué tout mon bien pour nourrir les pauvres, quand j’aurais livré mon corps pour être brûlé, si je n’avais point la charité, tout cela ne me servirait de rien (3) ». Voyez quelle hyperbole ! Voyez comme il développe ces pensées ! Il n’a pas dit : Quand je donnerais aux pauvres la moitié, les deux tiers, les trois quarts de mon bien ; il a dit : Quand je donnerais tout mon bien, et il ajoute : « pour nourrir les pauvres ». À la générosité vient s’ajouter ici une tendre sollicitude. « Et quand je donnerais mon corps pour être brûlé ». Il n’a pas dit simplement : Quand je mourrais, il emploie ici les figures les plus fortes. Il nous met devant les yeux la mort la plus terrible, le supplice d’un homme brûlé vif, et cette mort ne serait rien, selon lui, sans la charité. Mais, pour montrer jusqu’où va ici l’hyperbole, je dois produire les témoignages du Christ relatifs à l’aumône et à la mort. Le Christ a dit : « Si vous voulez être parfait, vendez tons vos biens ; donnez-en la valeur aux pauvres et suivez-moi ». (Mt. 19,21) Puis il dit, à propos de la charité : « La plus grande charité c’est de donner sa vie pour ses amis ». (Jn. 15,13) C’est donc là, même aux yeux de Dieu, le plus grand de tous les sacrifices. Et je prétends moi, s’écrie saint Paul, qu’en subissant la mort pour Dieu, qu’en livrant son propre corps pour être brûlé, on ne retirerait pas grand fruit de ce sacrifice, si l’on n’aimait pas son prochain.
Quand on avance que les dons spirituels ne sont pas fort utiles sans la charité, on ne dit rien de bien étonnant ; car, dans la vie, il y a des dons spirituels qui n’ont pas grande importance. Bien des hommes ont prouvé qu’ils avaient reçu en partage certains dons spirituels et pourtant ils ont été punis, comme des méchants qu’ils étaient. Témoin ceux qui au nom du Christ prophétisaient, chassaient les démons, et faisaient force miracles, comme le traître Juda. Les fidèles, au contraire, qui ont mené une vie pure, ont par cela seul été sauvés. Que les dons spirituels, je le répète, ne puissent rien sans la charité, il n’y a donc rien là d’étonnant ; mais qu’une vie vertueuse et pure ne puisse rien sans elle, voilà une assertion qui va bien loin et qui crée une grande difficulté. Le Christ, en effet, ne semble-t-il pas décerner les plus hautes récompenses à l’abandon des biens corporels et aux dangers du martyre ? Ne dit-il pas au riche, je