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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/54

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répondit-elle. Mais Pierre reprit : Pourquoi vous êtes-vous concertés pour tenter le. Saint-Esprit ? Voilà à la porte les pieds de ceux qui ont enseveli votre époux et ils vont vous emporter. Aussitôt elle tomba à ses pieds et expira. Les jeunes gens en entrant là trouvèrent morte, l’emportèrent et l’ensevelirent près de son époux. Et une grande frayeur se répandit dans toute l’Église et chez tous ceux qui apprirent ces choses ». Mais à la suite de cette frayeur, les signes se multiplièrent ; écoutez-en la preuve : « Il s’opérait beaucoup de signes et de prodiges dans le peuple par les mains des apôtres. Ils étaient tous réunis dans le portique de Salomon ; et aucun des autres n’osait se joindre à eux ; mais le peuple les exaltait ». Et c’était juste. Pierre était réellement terrible, lui qui reprochait et punissait les pensées les plus secrètes. On s’attachait particulièrement à lui, et à cause du miracle et à cause de son premier, de son second et de son troisième discours. C’était lui qui avait fait le premier et le second miracle, et encore celui-ci qui ne me semble pas simple, mais double, puisque d’abord il a pénétré le secret des consciences, et qu’ensuite la mort a obéi à ses ordres. « Mais le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur, hommes et femmes, augmentait ; de sorte qu’ils portaient les malades dans les places publiques et les déposaient sur des lits et des grabats, afin que quand Pierre viendrait, son ombre au moins couvrit quelqu’un d’eux ». Cela n’a pas eu lieu pour le Christ ; ainsi s’est réalisé ce qu’il avait dit : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais et en fera de plus grandes encore ». (Jn. 14,12) « Or, la foule accourait des villes voisines de Jérusalem, apportant des malades et ceux qui étaient tourmentés par les esprits impurs, et tous étaient guéris ».
Mais considérez avec moi comme toute leur vie est remplie de contrastes. D’abord, découragement à cause de l’ascension du Christ, puis courage à cause de la descente de l’Esprit ; nouveau découragement, à raison des railleries, puis joie à cause des fidèles et du miracle ; tristesse encore, parce qu’ils ont été saisis, puis contentement parce qu’ils ont pu se justifier. Et ici encore nous trouvons joie et tristesse : joie parce qu’ils brillent aux yeux des hommes, et qu’ils jouissent des révélations divines ; tristesse parce qu’ils donnent la mort même à leurs frères ; joie à cause de leur éclat, tristesse de la part du prince des prêtres. Du reste, c’est ce que nous pouvons voir partout, même chez les anciens, si nous voulons regarder attentivement. Mais reprenons ce qui a été dit plus haut : « Ils vendaient et apportaient les prix et les mettaient aux pieds des apôtres ». Vous voyez, mon cher, qu’ils ne donnaient point aux apôtres la peine de vendre, mais qu’ils vendaient eux-mêmes et leur remettaient les prix. Ananie n’agit point ainsi : il soustrait une partie du prix du champ qu’il a vendu, et il est puni pour s’être mal conduit et avoir été surpris à dérober ce qui lui appartenait. Ceci est un reproche, et un reproche très-vif, à l’adresse des prêtres d’aujourd’hui. Et comme sa femme était complice, l’apôtre l’interroge à son tour.
2. Mais, dira-t-on peut-être, elle a été traitée bien durement. Que dites-vous ? Quelle dureté y a-t-il là, de grâce ? Si un homme qui a ramassé du bois est lapidé, à combien plus forte raison doit l’être un voleur sacrilège. Or, cet argent était déjà sacré. Par conséquent, celui qui avait voulu vendre son bien et en donner le prix, devenait certainement sacrilège en en soustrayant une partie. Or, si celui qui soustrait de son propre bien, est sacrilège, à plus forte raison celui qui dérobe du bien d’autrui. Et si les choses ne se passent plus ainsi, si le châtiment n’est plus, immédiat, n’allez pas croire à l’impunité. Voyez-vous qu’on lui fait un crime d’avoir dérobé une partie de l’argent qu’il avait rendu sacré ? Ne pouviez-vous pas, lui dit l’apôtre, user de votre bien, même après l’avoir vendu ? Vous en a-t-on empêché ? Pourquoi le retirez-vous, après l’avoir promis ? Voyez comme dès l’abord le diable se met à l’œuvre, au milieu de si grands signes et de si grands prodiges, et surtout comment il a aveuglé ce malheureux. Un fait de ce genre s’est passé dans l’ancienne loi, quand Charmé[1] fut convaincu d’avoir soustrait des objets voués à l’anathème ; et vous savez cependant quelle punition on en tira. Car, mon cher auditeur, le vol des choses sacrées est un péché extrêmement grave, un acte de souverain mépris. Nous ne vous avons point forcé de vendre, ni de nous donner votre argent après avoir vendu ; vous avez agi par votre propre volonté : pourquoi donc dérobez-vous quelque

  1. La Vulgate porte Achan, fils de Charmé (Jos. 7,1)