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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/548

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le même homme avait le talent d’en parler plusieurs. Voyez comme l’apôtre le rabaisse et l’exalte tour à tour, quand il dit : « Celui qui parle des langues inconnues ne parle point aux hommes, mais à Dieu, puisque personne ne l’entend » ; il exalte un don qui ne paraît pas avoir une grande utilité. Mais lorsqu’il ajoute : « C’est sous l’inspiration du Saint-Esprit qu’il parle des choses cachées », il exalte ce don pour ne pas laisser croire qu’il est vain, inutile, et donné sans raison à l’homme. « Mais celui qui prophétise parle aux hommes pour les édifier, pour les exhorter, pour les consoler ». Voyez comme saint Paul proclame l’excellence de ce don avantageux à tous les hommes ! Voyez comme il préfère en toute circonstance à tous les autres dons ceux qui sont utiles au plus grand nombre ! Est-ce que ceux qui ont le don des langues ne parlent pas aussi – pour les hommes ? Ce qui les met au-dessous des prophètes, c’est que leur parole n’est pas aussi édifiante, aussi encourageante, aussi consolante.
Ces dons supposent tous les deux l’inspiration du Saint-Esprit. Mais le prophète a cet avantage qu’il est utile à des gens qui l’entendent. Ceux qui parlaient des langues inconnues, au contraire, n’étaient pas entendus de ceux qui n’avaient pas le don des langues. Mais quoi ? Ceux qui parlaient ces langues inconnues n’édifiaient-ils personne ? Ils s’édifiaient eux-mêmes, et voilà pourquoi saint Paul ajoute : « Celui qui parle une langue inconnue s’édifie lui-même (4) ». Et comment cela se fait-il, s’il ne sait pas ce qu’il dit ? Mais faites donc attention que saint Paul parle ici des hommes qui savent ce qu’ils disent ; qui comprennent bien le sens de leurs paroles, mais qui ne savent pas les expliquer aux autres. Mais le prophète édifie l’Église : voilà la différence qu’il y a entre ces deux hommes. Voyez comme l’apôtre est sage. Il n’annihile pas le don des langues, mais il montre qu’il n’a que de faibles avantages et qu’il ne profite qu’à celui qui le possède. Puis, pour ne pas laisser croire à ceux auxquels il s’adresse et qui possédaient pour la plupart plusieurs langues, qu’il est guidé par un sentiment de jalousie, il leur dit, afin de les guérir de leurs soupçons : « Je souhaite que vous ayez tous le don des langues, mais encore plus celui de prophétie. Car celui qui prophétise est au-dessus de celui qui parle des langues inconnues, à moins que ce dernier n’interprète ce qu’il dit, afin que l’Église en soit édifiée (5). Or le plus ou le moins n’annonce pas l’opposition, mais la supériorité ou l’infériorité.
2. Évidemment donc l’apôtre ne blâme pas le don des langues, mais il veut faire monter plus haut ses disciples ; il leur témoigne sa sollicitude, tout en leur montrant qu’il n’éprouve aucun sentiment d’envie. Il veut qu’ils aient « tous » le don des langues, mais il veut aussi et surtout le don de prophétie ; car ce don est plus précieux que l’autre. Et, après s’être bien expliqué sur le don de prophétie, il s’explique sur le don des langues. Son arrêt, loin d’être absolu, renferme ce correctif, « à moins qu’il n’interprète ce qu’il dit ». Par conséquent, si celui qui possède le don des langues a aussi le don d’interprétation, il est l’égal du prophète, parce que sa science profite à beaucoup de gens, point très important, avantage que l’apôtre recherche avant tout. « Ainsi, quand je viendrais vous parler des langues inconnues, en quoi vous serais-je utile, si je ne vous parlais en vous instruisant par la révélation, par la science ou par la doctrine (6) ? » Et pourquoi, continue-t-il, parlerais-je des autres ? Supposons que ce soit Paul qui vous parle des langues inconnues. Quel fruit en reviendra-t-il à ses auditeurs ? Par là, il leur démontre qu’il ne cherche que leur intérêt, sans être animé d’aucun sentiment de malveillance contre ceux qui possèdent le don des langues, puisqu’il se cite lui-même pour exemple de l’inutilité de ce don réduit à lui-même. Presque toujours, quand il touche quelque point important et délicat, il se met en scène. Ainsi, au commencement de cette épître, il dit : « Qu’est-ce que c’est que Paul ? « Qu’est-ce que c’est qu’Apollon ? Qu’est-ce que c’est que Céphas ? » Et il fait de même ici, en disant : « De quoi vous servira ma parole, si je ne vous instruis par la révélation, par la science ou par la doctrine ». Cela signifie Si je ne vous parle un langage intelligible et clair, si je nie borne à vous montrer que je possède le don des langues, vous ne retirerez aucun fruit de mes paroles.
Quel profit peut-on tirer en effet d’une parole que l’on ne comprend pas ? « Quand des instruments sans âme mais sonores comme la flûte et la lyre, ne rendent que des sons indistincts, comment saisir le morceau que l’on joue sur la flûte ou sur la lyre (7) ? « Pourquoi