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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/550

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Ainsi plus haut, quand il voulait montrer qu’il n’était défendu aux apôtres de recevoir le prix de leurs travaux, après avoir parlé des agriculteurs, des bergers et des soldats, il a abordé plus franchement son sujet, en parlant des prêtres sous l’ancienne loi. Voyez quel soin il prend toujours de disculper le don des langues pour rejeter toujours la faute sur ceux qui l’ont reçu. Il ne dit pas : je serai un barbare ; il dit : Je serai un barbare pour celui qui parle. Il ne dit pas non plus : Celui qui parle est un barbare, mais : Celui qui parle est pour moi un barbare. Que devons-nous donc faire, dit-il ? Loin de jeter aucun blâme sur le don des langues, nous devons exhorter les autres à l’acquérir, et c’est ce qu’il fait lui-même.
Après ses accusations et ses réprimandes, après avoir montré l’inutilité de ce don, il donne à ses disciples ce conseil : puisque vous avez tant d’ardeur pour les dons spirituels, désirez d’en être enrichis pour l’édification de l’Église (12). Voyez-vous comme il n’a toujours et partout qu’un seul et même but ? Il pose ici une sorte de règle pour l’utilité de bien des gens et pour celle de l’Église. II n’a pas dit : Désirez de posséder les dons, mais désirez d’en être « enrichis », c’est-à-dire, souhaitez d’en posséder « beaucoup ». Loin de vous les interdire, je veux que vous en ayez en abondance, à condition que vous en userez pour l’intérêt commun. « Que celui donc qui parle une langue demande à Dieu de l’interpréter (13). Car si je prie en une langue que je n’entends pas, c’est mon cœur qui prie, mais mon esprit n’en retire aucun fruit (14). Que dois-je donc faire ? Je prierai de cœur ; mais je prierai aussi avec intelligence ; je chanterai de tueur des cantiques, mais je les chanterai aussi avec intelligence (15) ». Il montre ici à ses frères qu’il est en leur pouvoir de recevoir de Dieu le don d’interprétation. Demandez-le à Dieu, dit-il, c’est-à-dire, adressez-lui ce qui fait votre richesse, votre prière. Car ce que vous demanderez à Dieu avec empressement et avec ardeur, vous le recevrez. Demandez-lui donc non seulement le don des langues, mais celui d’interprétation, pour être utile à tout le monde et ne pas garder votre don spirituel pour vous seul. « Car si je prie en une langue que je n’entends pas, c’est mon cœur qui prie, mais mon esprit n’en retire aucun fruit. »
Voyez-vous comme, s’élevant peu à peu, il montre qu’en cet état on est inutile aux autres et à soi-même, puisque la prière ne produit aucun fruit pour l’intelligence. Qu’un homme, en effet, parle persan ou quelque autre langue, sans savoir ce qu’il dit, il sera un barbare, non seulement pour les autres, mais pour lui-même, puisqu’il ne comprendra pas les mots qu’il prononce. Il y, avait anciennement bien des hommes qui avaient le don de prier dans une langue étrangère. Ils priaient et parlaient dans cette langue, soit dans la langue des Perses, soit dans la langue des Romains, sans savoir ce qu’ils disaient. Voilà pourquoi saint Paul disait : Si je prie dans une langue inconnue, il n’y a que mon cœur qui prie. C’est-à-dire que le don spirituel qui m’a été donné me fait remuer la langue, sans que mon intelligence en retire aucun fruit. Qu’y a-t-il donc ici de meilleur et de vraiment utile ? Comment faire ? Que faut-il demander à Dieu ? De se servir du don des langues, pour prier avec le cœur et avec l’intelligence.. Voilà pourquoi l’apôtre disait : « Je prierai avec le cœur, je prierai avec l’intelligence ; je chanterai des cantiques avec le cœur, je chanterai des cantiques avec l’intelligence ». Que veut-il dire par là ? Il veut dire que l’esprit doit comprendre ce que dit la langue, autrement il y aura encore un autre malentendu. Si vous ne louez Dieu que du cœur, comment celui qui tient la place du peuple répondra-t-il amen à la fin de votre action de grâces, s’il n’entend pas ce que vous dites ? Ce n’est pas que votre action de grâces ne soit bonne ; mais les autres ne sont pas édifiés (16, 17) Voyez comme ici encore tout est tiré au cordeau, comme il cherche toujours l’édification de l’Église. Le peuple, ici ce sont les laïques, et c’est pour lui, il nous le montre clairement, un véritable malheur que de ne pouvoir répondre amen à la fin d’une action de grâces. Cela veut dire : si vous louez Dieu dans la langue des barbares, sans savoir ce que vous dites, sans pouvoir l’interpréter, le laïque ne peut répondre amen. Il n’entend pas les mots qui terminent votre prière ; et quand vous avez dit : in saecula saeculorum, il ne peut répondre amen. Puis encore, par forme de consolation, et pour ne pas avoir l’air de trop rabaisser le don des langues, puisque, comme il l’a dit plus haut, celui qui possède ce don parle à Dieu la langue des mystères, s’édifie lui-même et prie avec