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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/551

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le cœur, il revient sur ces avantages d’où il tire une grande source de consolation, et il dit Votre action de grâces est bonne, car c’est le cœur qui vous inspire ; mais l’auditeur né vous comprend pas ; il ne sait pas ce que vous dites, et par conséquent il ne retire pas grand fruit de vos paroles.
4. Ensuite, après avoir attaqué ceux qui ont le don des langues et déclaré que ce n’est pas là un don bien précieux, pour ne pas avoir l’air de parler ainsi par envie, il dit : « Je remercie Dieu de ce que je parle mieux que vous encore toutes les langues que vous parlez (18) ». Il en dit autant dans un autre endroit. Pour rabaisser les avantages qui faisaient l’orgueil dès Juifs, pour montrer que ces avantages ne sont rien, il commence par montrer qu’il les possède à un plus haut degré que les Juifs, et alors il montre que ces avantages ont un inconvénient. « Si quelqu’un semble mettre sa confiance dans la chair, j’en ai encore plus le droit que lui, moi qui ai été circoncis huit jours après ma naissance, moi qui suis de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreux et enfant d’Hébreux, pharisien par la loi que je suis, persécuteur de l’Église par la force de mon zèle, irréprochable aux yeux de la justice qui prend sa source dans la loi ». (Phil. 3,4-6) Et après avoir montré qu’il est richement doté de ces avantages, il ajoute : « Mais ces qualités qui étaient pour moi dès avantages, étaient, je l’ai bien vu, des torts aux yeux du Christ ». (Id. 7) Maintenant il procède encore de même : « Je parle les langues mieux encore que vous tous. Ne vous élevez donc, pas et ne vous complaisez pas en vous-mêmes, comme si ce don était votre privilège ; car moi aussi je le possède, à un plus haut degré que vous. Mais j’aimerais mieux ne dire dans l’Église que cinq paroles dont j’aurais l’intelligence pour instruire les autres, que de dire dix mille paroles dans une langue inconnue ». Que signifient ces mots : « Cinq paroles dont j’aurais l’intelligence pour en instruire les autres « (19) ? » M’entend par là des paroles intelligentes qu’on peut expliquer aux autres, qu’on prononce soi-même et que les auditeurs peuvent répéter avec intelligence. « Que dix mille paroles en une langue inconnue ». Car ce ne serait là qu’une affaire de vanité, un verbiage qui ne serait pas aussi utile que quelques paroles bien comprises. Ce qu’il cherche partout, en effet, c’est l’intérêt de tous. Or le don des langues était un don nouveau et une importation étrangère, tandis que le don de prophétie était un don ancien, ordinaire et déjà commun. Le don des langues au contraire était tout récent, et saint Paul ne s’appliquait guère à le cultiver. Aussi n’en a-t-il pas fait usage. Ce n’était pas qu’il en fût privé ; mais il recherchait des dons plus utiles ; car il était libre de toute vaine gloire, et son but unique était de rendre ses disciples meilleurs. Cette âme, libre de toute vaine gloire, pouvait voir clair dans ses intérêts et dans ceux des autres ; et c’est ce que ne peut faire l’âme qui est esclave de la vanité. Témoin Simon qui, ébloui parla vaine gloire, ne sut pas distinguer ses véritables intérêts ; témoin les Juifs qui, par vaine gloire, sacrifièrent leur salut au démon.
C’est la vaine gloire qui a enfanté les idoles ; c’est elle, c’est la passion insensée de la vaine gloire qui a fait tomber les philosophes dans l’erreur. Voyez la maligne influence de ce vice. Par lui, quelques-uns de ces philosophes se sont faits pauvres et d’autres se sont : passionnés pour l’opulence. Sa tyrannie est telle qu’elle se manifeste par les effets les plus contraires. L’un tire vanité de sa continence, un autre de ses adultères ; celui-ci de sa justice, celui-là de ses injustices. On se vante de sa vie sensuelle et de ses austérités, de sa douceur et de son audace, de ses richesses ; et de sa pauvreté. Quelques-uns de ces philosophes étrangers pouvaient acquérir les dons spirituels ; par vanité, ils n’en voulaient pas. Les apôtres, au contraire, purs de toute vaine gloire, ont rapporté au Saint-Esprit tout ce qu’ils ont fait. Quand on les appelait des dieux, quand on était prêt à leur, immoler des taureaux couronnés pour le sacrifice, non seulement ils refusaient de pareils honneurs, mais ils déchiraient leurs vêtements. Quand ils guérissaient les boiteux et que tout un peuple, la bouche béante, restait stupéfait de ce miracle, ils disaient : Pourquoi nous regarder ainsi, comme si c’était nous qui avions opéré ce prodige ? Ces sages de l’antiquité faisaient profession d’être pauvres parmi des hommes qui admiraient la pauvreté ; les apôtres veulent être pauvres au milieu d’un peuple qui méprise la pauvreté et qui vante la richesse. Avaient-ils reçu quelque don, ils en faisaient part aux indigents, tant il est vrai