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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/552

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qu’ils étaient toujours guidés par la charité et non par la vaine gloire ; ces sages, au contraire, agissaient comme des ennemis et – des fléaux de l’humanité. L’un jetait inutilement et follement tous ses biens dans la mer, à l’exemple des fous et des insensés ; un autre laissait ravager ses champs par les brebis. Chez eux tout tendait à la vaine gloire. Il n’en était pas ainsi : les dons qu’on leur faisait, ils les distribuaient aux indigents avec tant de libéralité, qu’ils étaient toujours eux-mêmes tourmentés par la faim. S’ils avaient été vaniteux, ils n’auraient pas agi ainsi. Ils n’auraient rien reçu, ils n’auraient rien donné, de peur d’exciter les soupçons. Lorsqu’en effet on se dépouille de ses biens par vanité, on se garde bien de recevoir l’argent des autres, pour ne pas avoir l’air d’être dans l’indigence et de peur d’exciter les soupçons. Mais voyez les apôtres ils servent, ils mendient pour les indigents : tant ils ressentent pour eux une tendresse plus que paternelle. Voyez la ligne de conduite qu’ils se sont tracée. De quelle modération exempte de toute vaine gloire n’est-elle pas empreinte ! « Si nous avons de quoi nous vêtir et nous nourrir, cela nous suffira » : (1Tim. 6,8). Quelle différence avec ce sage de Sinope qui vivait sous les haillons et dans un tonneau, sans avoir besoin de rien, au grand étonnement de bien des gens, mais sans profit pour personne. Saint Paul ne faisait rien de tout cela ; car l’ambition et la vanité ne le guidaient pas. Il était vêtu décemment, il se tenait chez lui et se conduisait comme un parfait honnête homme. Le cynique méprisait un pareil genre de vie, bravait en public toutes les bienséances et le décorum, et c’était la vanité qui l’entraînait. Pourquoi ce tonneau dont il faisait son habitation ? C’était uniquement une affaire de vanité.
5. Saint Paul loua la maison qu’il habitait à Rome. Cela n’a rien d’étonnant de la part d’un tel homme. Il ne consultait jamais la vanité, ce monstre cruel, cet affreux démon, ce fléau de l’univers, cette vipère gonflée de poisons. Semblable à la vipère qui déchire le ventre de sa mère, la vaine gloire blesse l’auteur de ses jours. Quel remède employer contre cette maladie si compliquée ? Il n’y a qu’à se proposer pour modèles ceux qui ont foulé aux pieds le monstre, à se pénétrer de leur exemple et à se régler sur eux. Voyez le patriarche Abraham ! Et ici qu’on ne me reproche pas de reproduire le même exemple et de rappeler toujours ce saint homme. Car c’est là surtout ce qui le rend admirable et ce qui ôte toute excuse à ceux qui ne l’imitent pas. Si l’on pouvait montrer en effet qu’il n’a eu qu’une qualité et que sur tel ou tel autre point il faut citer un autre modèle, que lui, on pourrait dire que la vertu est chose difficile ; puisque chacun des saints n’a que telle ou telle qualité. Mais quand nous voyons Abraham réunir en lui seul toutes les qualités ensemble, comment excuser les hommes qui, après la grâce et depuis la loi nouvelle, ne peuvent atteindre à ce, degré de vertu où sont parvenus ceux qui ont vécu avant la loi nouvelle et avant la grâce. Eh bien ! comment ce patriarche s’y est-il pris pour vaincre le monstre, pour dompter la vanité, dans la contestation qui s’éleva entre lui et le fils de son frère ? Il avait été le plus mal partagé, il n’avait pas eu la première part et pourtant il ne s’en affligea pas. Or vous savez que dans ces sortes d’affaires, il y a une sorte d’humiliation encore pire que la perte, pour les petits esprits, surtout lorsque, comme Abraham, on s’est vu maître souverain et que l’on ne se voit pas honoré à son tour par celui que l’on avait commencé à honorer soi-même. Eh bien ! rien de tout cela ne le mordit au cœur. Il se contenta de la seconde part qui lui était échue. Outragé par un jeune homme, malgré son grand âge, outragé par le fils de son frère, sans s’irriter, sans s’aigrir, il continua à l’aimer, à veiller sur lui. Une autre fois, sorti vainqueur d’une grande et terrible guerre, après avoir, repoussé et battu les barbares, il ne triomphe pas, il n’élève pas de trophée. Il voulait se défendre et non se vanter. Il donne l’hospitalité à des étrangers, et cela sans vanité, allant à leur rencontre, les honorant comme s’il était non pas le bienfaiteur, mais l’obligé. Il leur donne le nom de maîtres, sans savoir quels sont ces étrangers, et il veut que sa femme les serve. Après avoir fait l’admiration de l’Égypte, quand, sa femme lui eut été rendue, il ne se vante pas, malgré les honneurs dont il s’est vu comblé. Pourtant les habitants de ce pays lui donnaient le nom de roi. Quand il chargea son serviteur d’amener à son fils la femme qu’il devait épouser, il ne lui enjoignit pas de parler de son maître avec orgueil et avec ostentation, il se borna à lui dire d’amener la fiancée. Voulez-vous maintenant