Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/553

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

examiner les hommes, depuis l’an de grâce, à l’époque où ils s’abreuvaient aux sources d’une grande et glorieuse doctrine ? Voulez-vous voir comment ce vice était aussi à cette époque repoussé et banni ?
Considérez l’auteur da cette épître. Voyez comme il rapporte tout à Dieu, comme il rappelle toujours ses péchés, sans être aussi assidu à rappeler ses bonnes actions. Si parfois, pour corriger ses disciples, il se voit forcé d’en faire mention, il traite ce sujet fort légèrement et cède le pas à Pierre. Il ne rougit pas de travailler de ses mains chez Aquilas et Priscille. (Act. 18) Partout il s’efforce de s’humilier et de s’abaisser. On ne le voit pas traverser fièrement la place publique et s’entourer d’une foule de disciples. Partout il cherche à se perdre dans les rangs obscurs de la multitude. Voilà pourquoi il disait : lorsque Paul est présent, il paraît bas en sa personne (2Cor. 10,10), c’est-à-dire qu’il a l’air d’un homme qui ne mérite aucune attention, d’un homme sans faste. Et il dit encore : « Ce que nous demandons à Dieu, c’est que vous ne commettiez aucun mal, et non pas que nous paraissions ce que nous sommes ». (2Cor. 13,7) Qu’y a-t-il d’étonnant, s’il méprise la fausse gloire ? Ne méprise-t-il pas une gloire plus grande encore ? Ne méprise-t-il pas la couronne céleste et la géhenne, pour plaire au Christ ? Ne souhaite-t-i1 pas d’être anathème devant le Christ (Rom. 9,3) « pour la gloire du Christ ? » Tout en disant que c’est pour les Juifs qu’il veut souffrir, il déclare que c’est pour la gloire du Christ, afin que quelque insensé n’aille pas prendre pour lui les promesses qui leur sont faites. Si donc saint Paul était disposé à ne pas tenir compte de choses aussi importantes, comment pourrait-on s’étonner de son mépris pour les choses humaines ? Mais aujourd’hui, on ne résiste pas plus au mépris et à la crainte du déshonneur qu’à l’amour de la gloire. La louange nous gonfle, le blâme nous abat. Les cœurs pusillanimes et bas ressemblent aux organisations faibles ; un rien suffit pour les ébranler. De telles âmes ne sont pas plus à l’épreuve de la richesse que de la pauvreté, et la joie a prise sur elles encore plus que la douleur. Car la pauvreté nous condamne du moins à la tempérance ; la richesse au contraire amène souvent quelque grand naufrage. Voyez cet homme qui a la fièvre, tout le blesse, voyez cette âme corrompue dt dépravée, tout l’ébranle.
6. Instruits de ces vérités, sans fuir la pauvreté, sans admirer la richesse, tenons-nous prêts à tout. Lorsqu’on bâtit une maison, ce n’est pas à la préserver de la moindre goutte de pluie, à l’abriter contre les rayons du soleil que l’on fait attention ; car ce serait chercher l’impossible. On s’arrange de manière à ce qu’elle puisse braver les intempéries des saisons. Si l’on bâtit un navire, on ne demande pas que les flots s’éloignent de lui, que la tempête ne s’élève pas contre lui ; car c’est chose impossible. Ce qu’on veut, c’est que la charpente du navire résiste aux assauts de la mer. En hygiène, nous ne demandons pas non plus à l’atmosphère d’être toujours calme et tempérée, nous songeons seulement à rendre notre constitution capable de braver les variations atmosphériques. Faisons de même pour l’âme. Ne nous étudions pas à fuir la pauvreté, à poursuivre là richesse ; étudions-nous à pouvoir accepter l’une et l’autre, sans en recevoir aucune atteinte : car en mettant à part ces accidents de l’humanité qui sont presque inévitables, l’homme qui ne court pas après les richesses, mais qui est à l’épreuve des événements, l’emportera encore sur celui que la richesse accompagne. Pourquoi cela ? D’abord un tel homme a ses ressources en lui-même, tandis que l’autre les a hors de lui. L’homme qui met sa confiance en sa propre force et dans son adresse est meilleur soldat que celui qui met toute sa confiance dans ses armes. Ainsi l’homme qui a sa vertu pour rempart est plus fort que celui qui met sa confiance dans son argent. En second lieu, le riche peut être préservé de la pauvreté, mais il n’est pas assuré contre les troubles de l’âme ; car la richesse est en butte à bien des troubles et à bien des orages. La vertu seule goûte un plaisir tranquille ; c’est un rempart assuré, elle met l’homme à l’abri des pièges qui menacent le riche et qui peuvent causer sa ruine. De tous les animaux, les cerfs et les lièvres sont les plus timides, et sont par conséquent la proie la plus facile à saisir ; mais le sanglier, le taureau et le lion donnent du mal aux chasseurs. Eh bien ! il en est de même du riche et de celui qui fait vœu de pauvreté. Ce dernier, c’est le lion, c’est le taureau ; celui-là, c’est le cerf ou le lièvre. De combien de terreurs le riche n’est-il pas assiégé ? N’a-t-il pas à craindre