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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/554

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les voleurs, les tyrans, les envieux, les calomniateurs ? Que dis-je ? Ne soupçonne-t-il pas ses serviteurs mêmes ? Et pourquoi parler de sa vie misérable ? Même après sa mort, il n’est pas à l’abri des pièges du voleur. Non, la mort même n’est pas pour lui un asile assuré. Tout mort qu’il est, les malfaiteurs le pillent, tant c’est une chose incertaine, toujours prête à glisser entre nos mains que la richesse. Ce n’est pas seulement la maison du riche dont on enfonce les portés ; c’est son sépulcre que l’on force. Quoi de plus misérable que cet homme ? Il ne se repose même pas, au sein de la mort. Sa triste dépouille, cette dépouille inanimée n’est pas à l’abri des maux qui assiègent la vie humaine. Car les malfaiteurs ne respectent pas même la poussière et la cendre du riche ; ils font au riche, quand il est mort, une guerre encore plus rude que de son vivant. De son vivant, ils pénétraient à la vérité dans le sanctuaire de sa richesse, ils fouillaient ses coffres ; mais ils ne touchaient point à sa personne ; ils avaient assez de ses trésors, sans s’attaquer à ses vêtements, sans le mettre à nu. Mais après sa mort, les mains sacrilèges qui fouillent les sépulcres ne respectent pas même le cadavre du riche ; ils le remuent, ils le tournent et le retournent, il n’est pas d’outrages et d’opprobres dont ils n’accablent ce cadavre, dans l’excès de leur cruauté.
Ce corps confié à la terre, ils le dépouillent de ses vêtements et le laissent nu. 0ù donc l’homme pourrait-il trouver un plus terrible ennemi que cette opulence qui perd son âme pendant sa vie et qui, après sa mort, expose son corps aux outrages, aux opprobres, sans permettre à la terre de le recouvrer, comme si c’était un condamné reconnu coupable des crimes les plus honteux. Mais aux condamnés du moins, quand ils ont subi la peine capitale, la loi ne demande rien de plus. La richesse au contraire condamne, même après sa mort, celui qui la possède aux plus terribles supplices, à demeurer exposé nu et sans sépulture, exposition terrible, spectacle digne de pitié ! Ce sont là des peines bien graves, plus graves que les châtiments infligés par l’arrêt et par la colère d’un juge. Après être restée un ou deux jours sans sépulture, la dépouille de l’homme condamné par la loi est confiée à la terre ; mais l’homme condamné par la richesse n’est confié à là terre que pour être exposé nu aux insultes et aux outrages. Si les voleurs n’enlèvent pas le mausolée du riche, ce n’est pas la richesse qu’il faut en remercier, c’est la pauvreté. Oui, c’est la pauvreté qui le soustrait à leurs mains avides. Laissez ce mausolée sous la garde de la richesse, qu’il soit d’or au lieu d’être de pierre, il sera enlevé comme le reste : tant il est vrai qu’on ne doit pas compter sur la richesse ! Elle appartient à ceux qui la ravissent bien plus qu’à ceux qui la possèdent. II serait donc superflu d’employer de longs discours pour démontrer que la richesse résiste aux assauts, puisqu’au, jour même de la mort ceux qui la possèdent ne sont pas en sûreté. Quel est l’homme qui ne se réconcilie pas avec un mort, fût-il un monstre, fût-il un démon, fût-il plus méchant qu’un démon ? Il suffit du spectacle de la mort pour attendrir un cœur de fer, une âme insensible, Aussi, en présence d’un mort, ses ennemis tes plus acharnés mêlent leurs larmes à celles de ses amis. La colère s’éteint avec la vie, elle fait place à la pitié. Au moment des obsèques, quand a lieu le convoi funèbre, vous ne distinguez pas l’ami de l’ennemi, tant ceux qui assistent à ce convoi respectent les lois suprêmes de la nature. Mais là richesse ne suit pas même cette loi commune ; elle déchaîne contre ceux qui la possèdent, des colères implacables. Même après notre mort, elle nous fait des ennemis qui n’ont reçu de nous aucune injure ; car dépouiller un cadavre est le propre d’une inimitié ardente et toujours armée. À l’heure de la mort, la nature réconcilie, avec nous des ennemis ordinaires ; mais la richesse arme contre le riche ceux-là même qui n’ont rien à lui reprocher, et leur cruauté s’acharne sur ce cadavre abandonné.
Pourtant il y a là bien des choses qui devraient attendrir ces hommes. Il y a la mort même, il y a l’immobilité cadavérique, il y a l’image d’un corps qui va tomber en poussière, il y a l’abandon. Mais rien n’attendrit ces âmes sacrilèges et tyrannisées par la soif inexorable de l’or. C’est l’amour de l’or, ce tyran impitoyable qui est là pour donner ses ordres inhumains, pour transformer des hommes en bêtes féroces, pour les jeter sur des sépulcres comme sur une proie. À l’œuvre donc les bêtes féroces ! Elles se précipitent sur ce cadavre ; elles – dévoreraient ces chairs inanimées, si ces membres pouvaient leur