Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/557

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui n’a pas une grande utilité, a ajouté ces mots : « Et ainsi le don des langues est un signe, non pour les fidèles, mais pour les infidèles ; le don de prophétie, au contraire, n’est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles (22). Si donc toute une église étant assemblée en un lieu, tous parlent diverses langues, et que des ignorants ou des infidèles entrent dans cette assemblée, ne diront-ils pas que vous êtes des insensés (23) ? Mais si tous prophétisent et qu’un infidèle ou un ignorant entre dans votre assemblée, tous le convainquent, tous le jugent (24). Et ainsi le secret de son cœur est découvert, et se prosternant le visage contré terre, il adorera Dieu, rendant témoignage que Dieu est véritablement parmi vous (25) ». Ces paroles soulèvent bien des doutes. Si en effet le don des langues est un signe, comment se fait-il que saint Paul dise : Si les infidèles vous entendent parler des langues inconnues, ils diront que vous êtes des insensés ? Et si le don de prophétie n’est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles, quel fruit les infidèles en recueilleront-ils ? « Qu’un infidèle, dit-il, entre dans votre assemblée quand vous prophétisez, tous le convainquent, tous le jugent ».
Voilà donc une autre difficulté qui s’élève ! Voilà le don des langues qui semble l’emporter sur le don de prophétie ! Car si le don des langues est un signe pour les infidèles, tandis que le don de prophétie est un signe pour les fidèles, le don qui attire et unit à l’Église ceux qui sont hors de son sein, doit l’emporter sur, le don qui ne fait que réunir et organiser ceux qui sont déjà de la famille et de la maison. Que dit donc saint Paul ? Rien dé difficile ni d’obscur, rien qui soit en contradiction avec ce qu’il a dit d’abord. Au contraire tout se tient, pour peu que nous y réfléchissions. Le don de prophétie s’adresse à tout le monde, tandis qu’il n’en est pas de même du don des langues. Aussi, après avoir dit que le don des langues est un signe, il ajoute : non pour les fidèles, mais pour les infidèles que Dieu veut attirer par ce signe, pour les infidèles que ce signe doit étonner, mais non instruire. Quand il s’agit du don de prophétie, il distingue encore et il dit : Le don de prophétie, au contraire, n’est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles. C’est que le fidèle n’a pas besoin de voir un signe ; un enseignement et un précepte, voilà tout ce qu’il lui faut. Mais alors, comment peut-on dire que la prophétie est utile à tout le monde, puisque saint Paul dit lui-même qu’elle n’est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles ? Pesez ces paroles avec soin et dans une balance exacte, vous saurez ce qu’il veut dire. Il ne dit pas que la prophétie n’est pas utile aux infidèles, mais qu’elle n’est pas comme les langues, un simple signe, c’est-à-dire, un don de luxe. Le don des langues, en effet, n’est pas précisément utile aux infidèles. Il n’a pour but et pour objet que d’étonner et de frapper leurs esprits. Car le signe n’est qu’un moyen. C’est ce qu’exprime le prophète en ces mots : « Sers-toi de moi pour faire un prodige », et il ajoute : « pour le bien » ; et il dit encore : « Dieu s’est servi de moi pour opérer, un miracle dans l’intérêt de plusieurs », c’est-à-dire, pour faire éclater un signe. (Ps. 85,17 ; 70, 7)
2. Pour apprendre à ses disciples qu’il n’a pas voulu parler de ce signe, comme d’un don utile en tout point, il nous montre l’effet qu’il produit. Quel est cet effet ? « Les infidèles, poursuit-il, diront que vous êtes des insensés. » Ce n’est point qu’il s’en prenne au signe en lui-même ; c’est à la démence des infidèles qu’il s’en prend. Et sous ce nom d’infidèles, n’allez pas croire qu’il désigne toujours les mêmes hommes. Tantôt il parle de ces malheureux qui sont incurables et incorrigibles ; tantôt il parle de certaines âmes que l’on pourrait tourner au bien. Tels étaient, à l’époque des apôtres, ces infidèles qui admiraient pourtant les grandeurs de Dieu ; tel était Cornélius. Voilà donc pourquoi il dit : Le don de prophétie est pour les infidèles et pour les fidèles ; quant aux langues, les infidèles et les insensés qui les entendent parler, n’en retirent aucun profit et vont même jusqu’à se moquer de ceux qui les parlent, en les traitant d’insensés : car le don des langues n’est pour eux qu’un signe destiné à les frapper d’étonnement. Si ces infidèles avaient été sages, ils auraient pourtant profité du signe qui leur était manifesté. Car à cette époque, à côté des infidèles qui accusaient d’être en état d’ivresse ceux qui avaient le don des langues, il se trouvait aussi des gens qui admiraient ces orateurs comme des hommes qui leur parlaient des grandeurs de Dieu. Ceux qui tournaient de pareils hommes en ridicule étaient donc des insensés. Aussi saint Paul n’a-t-il pas dit simplement : « Vous êtes traités d’insensés », il ajoute : « par les ignorants et par les infidèles ». Mais le don