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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/558

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de prophétie n’est pas simplement un signe, mais un don utile aux fidèles et aux infidèles, un don qui se manifeste pour affermir leur foi. Ce sens de saint Paul devient clair, non pas sur-le-champ, mais par les paroles qui suivent Tous le convainquent, dit-il. Si tous prophétisent, et qu’un infidèle ou un ignorant entre dans votre assemblée, tous le convainquent, tous le jugent. Et ainsi le secret de son cœur est découvert, et se prosternant le visage contre terre, il adorera Dieu, rendant témoignage que Dieu est véritablement parmi vous. Par conséquent, le don de prophétie a sur le don des langues le double avantage d’agir sur toutes les âmes, et d’attirer à Dieu les infidèles les plus endurcis.
Quand il a convaincu Saphire en vertu du don de prophétie, et quand saint Pierre parlait des langues inconnues ; il y avait là deux miracles différents. Le premier faisait passer la conviction dans les cœurs ; le second faisait dire : Voilà un insensé ! Donc après avoir dit : « Le don des langues est inutile », après l’avoir rabaissé de nouveau en rejetant la faute sur les Juifs, il montre que ce don est même nuisible. Pourquoi donc a-t-il été donné ? pour agir conjointement avec le don d’interprétation. Sans ce dernier don, il produit sur les insensés un effet contraire à celui qu’il devrait opérer. Si tous parlent diverses Lingues, dit saint Paul, et que des ignorants ou des infidèles entrent dans l’assemblée, ils diront que vous êtes des insensés. C’est ainsi que les apôtres ont passé pour des gens ivres : on disait d’eux : « Ces gens-là sont pris de vin ». (Act. 2,13) Mais ce n’est pas la faute du signe, c’est la faute de l’esprit grossier et injuste des auditeurs. Aussi saint Paul a-t-il ajouté que c’étaient les « ignorants » et les « infidèles » qui disaient : Voilà des insensés ! Les ignorants et les infidèles sont donc jugés par l’apôtre. Car, je l’ai dit plus haut, il insiste sur les dons qui n’ont pas une grande utilité, pour réprimer l’orgueil de ceux qui ont le don des langues et pour les mettre dans la nécessité de recourir à un interprète.
Car, comme ce n’était point là qu’ils tendaient, et que beaucoup de gens ne se servaient de ce don que pour en faire parade, et parce qu’ils désiraient des honneurs, il les en détourne principalement, en leur montrant qu’au lieu de gloire et d’estime, ils n’en retireraient qu’un grand dommage, comme les gens qu’on soupçonne de folie. Et c’est là perpétuellement la manière de Paul : quand il veut nous détourner d’une chose, il nous montre que cela même que nous désirons nous fera du tort. Faites de même : voulez-vous détourner quelqu’un du plaisir, montrez-lui qu’il n’y a là qu’amertume ; voulez-vous l’arracher à la vaine gloire, montrez-lui qu’elle ne renferme que honte et déshonneur. Ainsi faisait Paul. Voulant arracher les riches à l’amour des richesses, il ne dit pas seulement que les richesses sont nuisibles, mais encore qu’elles exposent aux tentations ; car il dit : « Ceux qui veulent être riches tombent dans la tentation ». (1Tim. 6,9) Comme il semble qu’elles délivrent des tentations, il leur attribue le défaut contraire à la qualité que les riches lui attribuaient. D’autres s’appliquaient à la sagesse profane, comme s’ils pouvaient par ce moyen affermir le dogme ; il montre que non seulement elle n’apporte point de secours à la croix, mais encore tend à l’abolir. Ils insistaient pour être jugés à un tribunal étranger, pensant qu’ils étaient indignes d’être jugés par les leurs, comme si les étrangers étaient plus sages ; il montre qu’il est honteux d’être jugé au-dehors. Ils s’approchaient des autels des idoles, comme s’ils montraient par là une sagesse parfaite, et il prouve qu’il est d’une sagesse imparfaite de ne pas savoir gouverner les affaires de ses plus proches voisins. De même ici, comme ceux qui aiment la vaine gloire, admiraient profondément le don des langues, il montre que c’est cela même qui les couvre de honte, que non seulement ce don ne leur procure point de gloire, mais leur attire encore le soupçon de folie. Mais il ne le dit pas tout de suite ; après de longs développements qui ont pour objet de faire admettre et de faire agréer son discours, il ajoute ce qui est étonnant et contraire à l’opinion commune. Cette manière d’amener sa pensée lui est familière. Celui qui veut ébranler une opinion bien assise, et changer une conviction ferme et solide, ne doit pas tout de suite lui opposer l’opinion contraire ; car il serait ridicule auprès de ceux qui sont prévenus par la pensée contraire. Ce qui est étonnant et contraire à l’opinion commune ne peut être admis tout de suite ; il faut miner une croyance pour y substituer la croyance contraire.
3. C’est ainsi qu’il a fait, quand il a disserté du mariage : comme bien des gens y voyaient le repos et le plaisir, il voulait leur montrer que le repos et le plaisir ne sont pas unis au