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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/559

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mariage ; s’il l’avait dit tout de suite, il ne se serait pas fait écouter ; comme il ne l’a avancé qu’après un long préambule, et qu’il l’a amené à propos, il a facilement ébranlé ses auditeurs. C’est ce qu’il a fait aussi pour la virginité. Ce n’est qu’après de longs discours qu’il dit : « Je vous ménage », et : « Je veux que vous soyez sans inquiétude ». (1Cor. 7,28, 32) Il le fait aussi pour les langues, montrant que non seulement elles ne nous donnent point la gloire, mais encore que ceux qui ont ce don n’en retirent que de la honte et du déshonneur auprès des infidèles. La prophétie au contraire n’encourt point la honte et le déshonneur auprès des infidèles, et la gloire et l’utilité en sont également grandes : Personne ne dira de ceux qui ont le don de prophétie qu’ils sont insensés, personne ne se moquera d’eux ; ils exciteront au contraire une admiration profonde.
En effet, « ils sont convaincus par tous », c’est-à-dire, ce qu’ils ont dans le cœur se montre à tous et se produit au grand jour. Ce n’est point même chose de voir entrer quelqu’un et de l’entendre parler en persan ou en syriaque, ou de l’entendre révéler les mystères de sa pensée, soit qu’il le fasse dans un mauvais esprit et pour tenter les autres, soit qu’il le fasse sincèrement et en toute honnêteté. Ce que l’un fait involontairement, l’autre le fait par réflexion, et cela est plus étonnant et plus utile, C’est pourquoi il dit pour les langues que vous êtes insensés, et il ne le dit pas en son nom, mais au nom des assistants : « Disant que vous êtes insensés ». Pour la prophétie, il fait parler les faits, et ceux à qui elle rend service. « Il est convaincu par tous », dit-il, « il est jugé par tous, et c’est ainsi que les secrets de son cœur deviennent manifestes, et l’infidèle tombera sur sa face, adorera Dieu proclamant que Dieu est vraiment en vous ». Voyez comme ici rien n’est douteux : pour les langues il y a doute, et certains des infidèles attribuent cela à la folie ; mais pour la prophétie il n’y a rien de semblable, on sera étonné, on adorera, on confessera Dieu d’abord en fait, ensuite en paroles. C’est ainsi que, Nabuchodonosor a adoré Dieu ; disant : « En vérité votre Dieu est le Dieu qui révèle les mystères, puisqu’il a pu révéler ce mystère ». (Dan. 2,47) Voyez-vous la force de la prophétie, puisqu’elle a pu convertir et amener à la foi ce cœur farouche.
« Quoi donc, mes frères ? quand vous êtes réunis, chacun de vous a le chant, a la doctrine, a la langue, a la révélation, a l’interprétation : que tout se fasse pour l’édification (26) ». Voyez-vous la règle fondamentale du Christianisme ? Comme c’est le devoir d’un artisan d’édifier, ainsi c’est le devoir du chrétien d’être utile en tout à ceux qui sont près de lui. L’apôtre s’élève violemment contre un don, mais il ne veut pas faire croire qu’il est inutile, il veut seulement réprimer l’orgueil de ceux qui le possèdent ; aussi le compte-t-il de nouveau parmi les autres dons, disant : « Il a le chant, il a la doctrine, il a la langue ». Autrefois on avait le chant par l’effet d’une grâce ou d’un don, et on l’enseignait aux autres ; mais tout cela, ajoute Paul, ne doit avoir qu’un but, l’amendement du prochain : que rien ne se fasse au hasard et sans objet. Si vous ne vous approchez point de votre frère pour l’édifier, pourquoi vous approchez-vous de lui ? Je ne fais pas grand cas de la différence des grâces ; je n’ai qu’un souci, je n’applique mes soins qu’à un seul objet, à savoir que tout se fasse pour l’édification. Ainsi celui qui n’aura qu’un petit don, surpassera celui qui en a un grand, si l’édification y est jointe. Aussi les dons n’existent que pour que chacun soit édifié. Si cela n’arrive point, le don ne sert à celui qui l’a reçu que pour sa condamnation. À quoi cela sert-il, dites-moi, de prophétiser ? et à quoi de ressusciter les morts, si personne n’en retire du profit ? Or, si tel est l’objet des dons, et si l’on peut arriver à la même fin par d’autres moyens et sans les dons, il ne faut point s’enorgueillir des miracles, ni se croire malheureux, quand on est privé des grâces. S’il y en a qui parlent des langues, qu’ils soient deux ou trois tout au plus, qu’ils parlent à tour de rôle, et qu’il y en ait un qui interprète (27) ; « que s’il n’y a « point d’interprètes, qu’il se taise dans l’église, et qu’il parle à lui-même et à Dieu (28) ». Que dites-vous ? Après avoir si longuement démontré que les langues sont un don inutile et superflu, s’il n’y a point d’interprètes, vous ordonnez de nouveau de parler les langues ? Je ne l’ordonne point, répond-il, mais je ne le défends pas non plus ; c’est comme quand il dit. « Si quelqu’un des infidèles vous appelle, et si vous voulez aller » (1Cor. 10,27), il n’ordonne point par là d’aller, mais il ne retient pas ; il en est de même ici : « Qu’il se parle à