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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/576

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 Que celui donc qui croit être ferme, prenne bien garde à ne pas tomber » (1Cor. 10,12) ; quant au désespéré, le psalmiste lui dit « Si vous entendez aujourd’hui sa voix, gardez-vous bien d’endurcir vos cœurs (Ps. 94,8) » ; et Paul encore : « Relevez donc vos mains languissantes, et fortifiez vos genoux affaiblis ». (Héb. 12,12).
Aussi, lorsque le fornicateur est touché de repentir, l’apôtre s’empresse de l’encourager, pour l’arracher à l’excès de sa morne tristesse : D’où vous viennent donc vos angoisses pour les autres sujets, ô hommes ! La tristesse n’est utile qu’au pécheur ; si, même alors, l’excès en est funeste, à bien plus forte raison dans les autres sujets. D’où viennent vos chagrins ? De ce que vous avez perdu de l’argent ? Mais considérez donc ceux qui n’ont pas même assez de pain pour se rassasier, et vous recevrez la plus prompte des consolations de vos maux. Au lieu de déplorer chacun des accidents qui font votre peine, rendez des actions de grâces pour tous ceux qui ne vous arrivent pas. Vous avez eu de l’argent, et volis l’avez perdu ? Ne versez pas de larmes sur votre perte, mais rendez grâces à Dieu pour le temps pendant lequel vous avez possédé. Dites avec Job : « Si nous avons reçu les biens de la main du Soigneur, pourquoi n’en recevrons-nous pas aussi les maux ? » (Job. 2,10) Faites encore la réflexion suivante : Vous avez perdu de l’argent, mais en attendant vous avez la santé ; vous n’avez pas, pour vous lamenter, à joindre à votre pauvreté les infirmités de votre corps. Mais ce n’est pas tout : votre corps aussi a souffert ? Mais ce n’est pas là le bas fond des douleurs humaines, vous flottez encore au milieu du tonneau. Il en est en grand nombre qui luttent contre la pauvreté, contre les mutilations, contre le démon, et qui sont errants dans des déserts ; d’autres encore souffrent des douleurs plus cruelles. Loin de nous tous les malheurs que nous pouvons supporter ! Méditez ces pensées, considérez ceux qui souffrent plus que vous, et ne vous affligez pas de ce qui vous arrive ; mais quand vous avez péché, gémissez alors seulement ; oui, gémissez et pleurez, je ne vous en empêche pas, au contraire, je vous y exhorte ; et alors, soyez encore modérés, pensez que le retour est possible, que la réconciliation est possible. Vous voyez les autres dans les délices, et vous êtes dans la pauvreté ; vous voyez les autres revêtus d’habits resplendissants, à eux la gloire ? Ne bornez pas là vos contemplations ; voyez aussi les inconvénients attachés à cet éclat. Dans la pauvreté, ne considérez pas seulement la main qui mendie, mais, avec la pauvreté, le plaisir qui en découle.
La richesse a un visage rayonnant ; mais à l’intérieur tout est plein de ténèbres ; pour la pauvreté, c’est le contraire, et si vous vous donnez la peine de déplier toutes les consciences, vous verrez dans l’âme du pauvre la sécurité et la liberté ; dans l’âme du riche, les troubles, les tumultes, les flots. Ce riche, dont la vue vous attriste, ce même riche s’afflige plus que vous, à l’aspect d’un autre plus, riche que lui ; et comme vous tremblez devant tel riche, ce riche tremble, à son tour, devant un autre riche, et en cela il n’a aucun avantage sur vous. La vue d’un magistrat vous attriste, parce que vous êtes un simple particulier, de ceux à qui l’on commande. Mais réfléchissez donc au jour où un autre succédera à cet homme puissant, et en attendant qu’il vienne, ce jour, voyez les agitations, les périls, les travaux, les flatteries, les veilles, toutes les calamités. Nos paroles s’adressent à ceux qui ne veulent pas comprendre la sagesse. Car si vous la comprenez, nous pouvons vous apporter des consolations d’un ordre supérieur ; jusqu’à présent nos raisons sont grossières, nous avons été forcés de vous les présenter. Eh bien donc, à la vue d’un riche, pensez à un plus riche, et vous verrez que lui, que vous, vous éprouvez les mêmes sentiments. Et après ce riche, représentez-vous l’homme qui est plus que vous dans la pauvreté : combien y en a-t-il qui se sont endormis ayant faim, qui ont perdu leur patrimoine, qui habitent dans une prison, qui chaque jour appellent la mort ! Et la pauvreté n’engendre pas la tristesse, et la richesse n’engendre pas le plaisir, tristesse et plaisir viennent également de nos pensées. Considérez maintenant, en commençant par ce qu’il y a de plus bas, l’acheteur de fumiers, triste, affligé de n’être pas affranchi de cette misérable et, selon lui, honteuse condition ; mais affranchissez-le, qu’il soit libre, dans la sécurité, dans l’abondance dès choses nécessaires, il se reprendra à gémir encore de ne pas posséder au-delà de ce dont il a besoin ; donnez-lui davantage, il voudra le double, et il ne se