Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme leurs ennemis le pensaient, ils se seraient enfuis, à supposer qu’ils se fussent laissé séduire ; bien plus, dans le cas même où les magistrats leur auraient donné la liberté, ils ne se seraient pas arrêtés dans le temple, mais ils auraient pris la fuite ; il n’y a personne qui ne sente cela à moins d’être fou.
« Ne vous avions-nous pas absolument défendu ? » S’ils vous ont jamais obéi, votre reproche est fondé ; mais s’ils vous ont dit qu’ils ne vous obéiraient pas, vos reproches sont inutiles, vos défenses superflues. Voyez l’inconséquence désastreuse et l’excès de la démence ! Ils veulent enfin révéler l’intention homicide des Juifs, et faire voir qu’ils n’agissent point par amour pour la vérité, mais par vengeance. Voilà pourquoi les apôtres ne leur répondent pas avec hauteur, car ils étaient docteurs ; et pourtant quel homme, après avoir remué toute la ville, et étant favorisé de telle grâce, n’aurait pas pris un ton élevé ? Autre fut la conduite des apôtres : ils ne se fâchèrent point, mais ils les prirent en pitié, versèrent des larmes et ne songèrent qu’aux moyens de les délivrer de l’erreur et de la colère. Ils ne leur disent plus : « Jugez vous-mêmes », mais ils prêchent avec fermeté : « Celui que Dieu a ressuscité » ; montrant par là que tout ceci se passe selon la volonté de Dieu. Ils ne disent pas : Ne vous avons-nous pas dit que « nous ne pouvons taire ce que nous avons vu et entendu », car ils ne sont point querelleurs ; mais ils reviennent sur les mêmes sujets, à savoir : la croix et la résurrection. Ils ne disent pas pourquoi le Christ a été crucifié, ni qu’il l’a été pour nous ; mais ils y font allusion et ne parlent pas clairement, parce qu’ils veulent d’abord les épouvanter. Dites-moi : quelle rhétorique y a-t-il là-dedans ? Aucune. Ils annoncent sans apprêt l’Évangile de vie. Après avoir dit : « L’a exalté », il ajoute pourquoi : « Pour procurer à Israël la pénitence et la rémission des péchés ».
Mais, direz-vous, cela paraissait alors incroyable. Eh ! comment cela n’eût-il pas été croyable, quand ni les chefs, ni la foule n’y pouvaient contredire ? quand on fermait la bouche aux uns et qu’on instruisait les autres ? « Et nous sommes les témoins de ces choses ». De quelles choses ? De l’annonce du pardon, de la pénitence ; car la résurrection était un fait établi. Que le Christ donne la rémission, nous en sommes témoins et aussi l’Esprit-Saint, qui ne serait pas venu si les péchés n’avaient pas été remis ; en sorte que cette preuve est incontestable. Tu entends, malheureux, parler de la rémission des péchés, tu entends dire que le Christ ne demande pas vengeance, et tu veux donner la mort ? Quel excès de malice ! Il fallait donc ou convaincre les apôtres de mensonge, ou, si on ne le pouvait, ajouter foi à leur parole ; que si on ne voulait pas ajouter foi à leur parole, il ne fallait pas les faire mourir. Qu’y a-t-il là-dedans qui mérite la mort ? Mais dans leur fureur ils ne savaient pas même ce qui s’était passé. Voyez comme les apôtres, après avoir rappelé le crime, parlent de pardon ; montrant par là que si le crime était digne de mort, la rémission était offerte au repentir. Comment les aurait-on persuadés autrement qu’en leur disant qu’ils feraient bien d’en profiter ? Et voyez la méchanceté ! On leur amène des sadducéens, qui étaient les plus opposés au dogme de la résurrection. Mais leur malice ne leur servit à rien. – On dira peut-être. Comment un homme aussi favorisé que les apôtres ne serait-il pas devenu grand ? Mais voyez comme, avant de recevoir la grâce, ils persévéraient tous dans l’oraison, et attendaient le secours d’en haut. Et vous, mon cher auditeur, qui espérez le royaume du ciel, vous ne supportez rien ? Vous avez reçu l’Esprit, et vous n’endurez ni de telles souffrances, ni de tels périls ? Et eux, avant d’avoir pu respirer à la suite des premières épreuves, étaient conduits à de nouvelles. Et quel avantage de ne point s’enorgueillir, d’être exempt de vaine gloire ? Quel profit de parler avec douceur ? Ici tout n’était pas l’effet de la grâce ; leur bonne volonté se manifeste par bien des preuves ; et si les dons de la grâce étaient chez eux si éclatants, il faut l’attribuer à leur fidélité et à l’ardeur de leur zèle.
3. Et voyez dès l’abord quelle est la sollicitude de Pierre, sa sobriété, sa vigilance ; comment les fidèles se dépouillaient de leurs biens. Ils n’avaient rien en propre, ils s’adonnaient à la prière, ils vivaient dans la concorde, ils jeûnaient. Quels fruits de grâce ! Aussi, leurs ennemis sont-ils confondus par leurs propres ministres, lesquels reviennent annoncer ce qu’ils ont vu, comme ceux qu’on envoya un jour vers le Christ, disaient : « Jamais homme n’a parlé comme parle cet homme ». (Jn. 7,46) Considérez ici avec moi leur mansuétude,