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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/61

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leur condescendance, et aussi l’hypocrisie du prince des prêtres. Il leur parle en effet avec douceur, parce qu’il a peur, et qu’il veut plutôt les empêcher d’agir que les faire mourir, vu que ceci lui était, impossible. Et pour émouvoir la foule, et suspendre sur sa tête la menace des derniers périls, il leur dit : « Voulez-vous faire retomber sur nous le sang de cet homme ? » – Le crois-tu donc un homme encore ? – Il s’exprime ainsi pour leur faire voir que l’ordre qu’il donne est dicté par la nécessité. Écoutez la réponse de Pierre : « Dieu a exalté de sa droite ce Prince, ce Sauveur, pour procurer à Israël la pénitence et la rémission des péchés ». Il ne parle pas ici des nations, pour ne donner aucune prise.
« Et ils songeaient à les faire mourir ». Voyez encore une fois comme les uns sont dans l’angoisse et la douleur, et les autres dans le calme, l’allégresse et la joie ; et ce n’est pas chez ceux-là une simple douleur, mais « un frémissement de rage ». Il est donc vrai de dire : Mal faire, c’est souffrir ; on le voit bien ici. Les apôtres sont dans les chaînes, sont traduits devant le tribunal, et leurs juges sont dans l’incertitude, dans un extrême embarras. Les voilà comme l’homme qui frappe le métal le plus dur, et reçoit lui-même le coup. Ils voyaient que la confiance des apôtres n’avait point diminué, que leur prédication augmentait, qu’ils parlaient sans crainte et ne fournissaient aucun prétexte contre eux. Imitons-les, chers auditeurs, et soyons intrépides dans tous les périls. Il n’y a pas de périls pour celui qui craint Dieu, mais pour celui qui ne le craint pas. Comment celui que la vertu élève au-dessus des souffrantes, qui considère le présent comme une ombre fugitive, pourrait-il éprouver quelque mal ? Que craindrait-il ? Qu’est-ce qui pourra être un mal pour lui ? Cherchons donc un asile sur ce roc inébranlable. Quand on nous construirait une ville entourée de murailles : mieux encore, quand on nous transporterait dans une terre où nous serions à l’abri de tout trouble et au sein de l’abondance, en sorte que nous n’eussions rien à démêler avec personne, notre sécurité serait moins grande que celle où nous met le Christ. Supposez, si vous le voulez, une ville d’airain, entourée d’un mur inexpugnable ; il n’y a point d’ennemis, la terre est grasse et fertile, tout s’y trouve en abondance ; les citoyens y sont doux et bienveillants, il n’y a pas un seul méchant, ni voleur, ni brigand, ni calomniateur, ni tribunal ; la parole y suffit pour les contrats ; supposons, dis-je, que nous habitions cette ville : eh bien ! nous n’y serions pas encore en sécurité. Pourquoi ? Parce qu’il faudrait se quereller avec des serviteurs, avec une femme, avec des enfants, ce qui serait la source d’un immense chagrin. Mais là, rien de pareil, rien qui puisse causer de la douleur ou de la tristesse.
Ce qu’il y a d’étonnant, c’est que tout ce qui nous semble un sujet de chagrin était pour eux une source de joie et de bonheur. En effet, pourquoi se seraient-ils attristés ? De quoi se seraient-ils plaints ? Voulez-vous une comparaison ? D’un côté, c’est un homme consulaire, opulent, qui habite la ville impériale, qui n’a d’affaires avec personne, qui n’a d’autre occupation que de vivre dans les délices, qui se voit placé au faîte des richesses, des honneurs et de la puissance ; de l’autre côté, plaçons Pierre, si vous le voulez, Pierre enchaîné, accablé de maux sans nombre ; et nous le trouverons plus heureux. Songez quelle est l’abondance de sa joie, puisqu’il jouit même dans les fers. Car, comme ceux qui possèdent une magistrature élevée sont insensibles au mal qui leur arrive et n’en sont pas troublés dans leur satisfaction ; ainsi les apôtres, au sein de leurs maux, éprouvaient plutôt de la joie que de la tristesse. Car il n’est pas possible, non, il n’est pas possible d’expliquer le plaisir que ressentent ceux qui souffrent quelque chose de pénible pour le Christ ; ils jouissent beaucoup plus des maux que des biens. Si quelqu’un aime le Christ, il sait ce que je dis. Quoi ! devaient-ils fuir ces maux pour trouver la sécurité ? Mais s’il s’agissait d’un simple changement de gouvernement, quel est l’opulent qui eût pu échapper à tant de périls, en vivant au milieu de tant de peuples ? Eux pourtant, comme aidés par un ordre royal, sont venus à bout de tout, et même bien plus facilement. Car un ordre royal n’aurait pas fait ce qu’ont fait leurs paroles ; un ordre royal impose la nécessité, et on venait à eux spontanément, volontiers, et avec de vives actions de grâce. Quel ordre souverain aurait pu déterminer à renoncer aux richesses, à la vie ; à mépriser sa maison, sa patrie, ses proches, son salut même ? Et voilà ce qu’a pu la voix de pêcheurs et de fabricants de tentes.