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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/603

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br> Outre ces réflexions, rassemblez les exemples que vous donne la vie présente, les exemples des divines Écritures ; méditez Abraham égorgeant son fils, et cela sans verser de larmes, sans faire entendre d’amères paroles. Mais, dira-t-on, c’était Abraham (Gen. 22). Mais vous, vous êtes appelé à des vertus plus hautes. Quant à Job, il ressentit de la douleur, mais dans la mesure qui convenait à un bon père, plein de tendresse pour ceux qui n’étaient plus là. Pour nous, la conduite que nous tenons, convient à des ennemis privés, à des ennemis publics. Si, à la nouvelle qu’un homme est élevé à la royauté, couronné, vous alliez vous frapper la poitrine et gémir ; je ne dirais pas de vous que vous êtes l’ami de celui qui a reçu la couronne ; je dirais que vous n’avez que haine pour lui, que vous êtes son ennemi déclaré. Mais ce n’est pas sur lui que je pleure, répond l’affligé, c’est sur moi-même. Mais ce n’est pas une preuve d’affection que de vouloir que celui qui vous est cher, soit encore, à cause de vous, exposé aux périls du combat, et dans l’incertitude de l’avenir, quand il va recevoir la couronne et toucher le port ; de vouloir le voir encore à la merci des flots, quand il peut, échappé à la – mer, se trouver pour toujours à l’abri. Mais je ne sais pas, dira-t-on, où il s’en est allé. Pourquoi ne le savez-vous pas ? Répondez-moi. Car, soit qu’il ait bien vécu, soit dans le cas contraire, on sait parfaitement où il doit se rendre. C’est justement ce qui me fait gémir, réplique-t-on : il est mort en état de péché. Vain prétexte et mauvaise raison. Si c’est là ce qui vous fait gémir sur celui qui n’est plus, il fallait, pendant sa vie, le réformer, le corriger. En tout cas, vous ne voyez jamais que ce, qui vous intéresse, vous, et non pas ce qui le regarde, lui. S’il est parti en état de péché, pour cette raison même, vous devez vous réjouir ; ses péchés sont interrompus ; il n’a pas pu ajouter depuis à la somme de ses actions mauvaises ; soyez-lui en aide, autant que possible ; au lieu de pleurer sur lui, répandez les prières, les supplications, les aumônes, les offrandes. Ce ne sont par là de chimériques inventions ; ce n’est pas inutilement que nous faisons, dans les divins mystères, mention de ceux qui sont partis ; que nous nous approchons du sanctuaire, à leur intention ; que nous prions l’Agneau qui a enlevé le péché du monde, mais nous espérons qu’il leur en reviendra quelque adoucissement ; ce n’est pas en vain que l’assistant à l’autel, pendant que les redoutables mystères s’accomplissent, s’écrie : Pour tous ceux qui se sont endormis dans le Christ, et pour ceux qui célèbrent leur commémoration. On ne prononcerait pas ces paroles, si l’on ne faisait pas la commémoration de ceux qui ne sont plus. Nos cérémonies ne sont pas des jeux de théâtre ; loin de nous ces pensées ; n’os cérémonies c’est l’Esprit-Saint qui les a ordonnées.
Sachons donc leur porter secours, et célébrons leur commémoration. Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père, pouvez-vous douter que nos offrandes pour ceux qui ne sont plus, leur apportent quelque consolation ? C’est la coutume de Dieu de faire fructifier pour les autres les grâces que d’autres ont méritées. Et c’est ce que Paul faisait voir par ces paroles : « Afin que beaucoup de personnes ; manifestant en elles la grâce que nous avons reçue, donnent à beaucoup de personnes l’occasion de bénir Dieu pour vous ». (2Cor. 2,11) Empressons-nous de porter notre secours à ceux qui ne sont plus, et d’offrir pour eux des prières : car le but commun de la terre entière c’est l’expiation. Prions donc avec confiance pour la terre entière, et avec les martyrs nous appelons tous les membres de l’Église, avec les confesseurs, avec les ministres sacrés. Car nous ne sommes qu’un seul et même corps tous tant que nous sommes, quoiqu’il y ait des membres plus glorieux que d’autres membres, et il n’y a rien d’impossible à ce qu’en nous adressant à toutes les âmes nous assurions à ceux qui ne sont plus leur pardon, par les prières, par les dons qui sont offerts pour eux, par l’assistance même de ceux que l’on invoque avec eux. D’où viennent donc vos gémissements, vos plaintes, quand il est possible de rassembler de si grandes forces pour obtenir le pardon de celui qui n’est plus ? Mais vous pleurez, ô femme, parce que vous êtes abandonnée, vous avez perdu votre protecteur ? Non, jamais, ne prononcez jamais ces paroles ; vous n’avez pas perdu Dieu : Tant que vous l’avez, voilà qui vous vaut mieux qu’un mari, et père, et fils, et beau-père ; quand ces êtres chéris étaient vivants, Dieu n’en était pas moins celui qui faisait toutes choses. Méditez donc ces pensées, et dites avec David : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? » ([[Bible_Crampon_1923/Psaumes|