Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/611

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’apôtre, « ceux qui servent à l’autel vivent de l’autel ». (1Cor. 9,13)
2. Toutefois on pourrait me reprocher de prêcher pour moi. Au lieu que maintenant c’est pour les indigents que je demande, ou pour mieux dire, ce n’est pas pour les indigents ; c’est, pour vous qui donnez : c’est pourquoi je parle avec une entière liberté. Quelle honte y a-t-il à dire : Donnez au Seigneur qui a faim ; revêtez-le lorsque vous le rencontrerez nu ; recevez-le chez vous quand il est sans asile ? Votre Seigneur ne rougit pas de dire à la face de la terre : « J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger » (Mt. 25,42) ; lui qui ne manque de rien et qui n’a rien à désirer. Et moi je rougirais et je n’oserais parler ! À Dieu ne plaise ! Ce serait une suggestion diabolique qu’une telle honte. Je ne rougirai donc pas, mais je parlerai en toute liberté et je dirai : Donnez à ceux qui ont besoin, élevant la voix plus haut que les indigents. Si je pouvais être convaincu par quelqu’un de chercher mon intérêt en parlant de la sorte, et de faire mes propres affaires sous le prétexte de faire celles des pauvres, ce ne serait pas, assez de la honte pour me punir, il faudrait toutes les foudres du ciel, car il ne mériterait pas de vivre, celui qui commettrait une telle indignité.
Mais si, par la grâce de Dieu, ce n’est point pour nous-mêmes que nous vous importunons ; si nous vous annonçons gratuitement l’Évangile, non à la vérité en travaillant de nos mains comme Paul, mais en vivant de nos biens propres, je dirai en toute liberté : Donnez à ceux qui ont besoin, et je ne cesserai de le redire, et ceux qui ne donneront pas, je serai leur accusateur infatigable. Si j’étais général et que j’eusse sous moi des soldats, je n’aurais pas boute de demander des vivres pour mes soldats. D’ailleurs je désire extrêmement votre salut. Mais afin que mon discours soit plus efficace ; je vais m’adjoindre saint Paul et vous dire avec lui : « Que chacun de vous mette à part chez soi, et qu’il amasse selon qu’il aura « prospéré ». Voyez comme il évite d’être indiscret et à charge ! Il ne dit pas : Donnez telle ou telle somme, mais : « Ce qui vous plaira », que ce soit beaucoup, que ce soit peu. Il ne dit pas : Que chacun donne ce qu’il aura gagné, mais « Selon qu’il aura prospéré », pour montrer que c’est de Dieu que nous tenons ce que nous donnons. Autre moyen de faciliter l’aumône qu’il conseille : il n’ordonne pas qu’on la donne tout entière, d’un coup, mais qu’on l’amasse petit à petit, de manière que la dépense s’effectue sans peine et passe pour ainsi dire inaperçue. Voilà pourquoi il ne demande pas qu’on dépose l’aumône sur-le-champ ; mais il indique un long délai. La raison qu’il donne de cette mesure est celle-ci : « Afin qu’on n’ait pas à faire la collecte lorsque j’arriverai » c’est-à-dire, afin que vous ne soyez pas obligés de recueillir les aumônes dans le temps même où il faudra les apporter. Nouveau motif qui ne devait pas médiocrement les exciter ; l’attente de Paul était bien propre à augmenter leur zèle.
« Lorsque je serai arrivé, j’enverrai des hommes choisis pair vous, et à qui je donnerai des lettres, porter votre charité à Jérusalem (3) ». Il ne dit pas : J’enverrai un tel et un tel, mais : Des hommes que vous aurez choisis vous-mêmes afin que l’on n’ait pas le moindre soupçon. Voilà pour quelle raison il leur remet le choix de ceux qui porteront l’argent. Il se garde bien de leur dire : à vous de donner votre argent, à d’autres le droit de choisir ceux qui le porteront. Ensuite pour montrer qu’il ne laisse pas de s’occuper de cette bonne œuvre, il parle des lettres qu’il donnera aux porteurs, il dit : « J’enverrai avec des lettres ceux que vous aurez choisis », comme s’il disait : Je serai moi-même avec eux, je participerai à la mission par le moyen de mes lettres. Il ne dit pas : Je les enverrai porter votre aumône, mais « votre charité », pour relever par ce terme la grandeur de leur action et du gain qui leur en revient. Ailleurs il donne à l’aumône les noms de bénédiction et de communication, l’un pour corriger la négligence, l’autre pour abaisser l’orgueil nulle part il ne se sert du mot d’aumône.
« Que si la chose mérite que j’y aille moi-même, ils viendront avec moi (4) ». Ici encore l’apôtre engage les Corinthiens à donner largement. Si vos charités sont assez considérables, veut-il dire, pour que ma présence soit nécessaire, je ne refuserai pas d’y aller. Il n’a pas promis cela tout d’abord, il n’a pas dit quand je serai arrivé, je porterai l’argent. S’il eût promis cela dès le commencement, l’effet n’eût pas été le même. Mise où elle se trouve, cette promesse est parfaitement à sa place. Ainsi dès le commencement ce n’est pas une promesse formelle, mais ce n’est pas non plus