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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/612

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un silence absolu, car l’apôtre se met déjà en avant en disant : « j’enverrai ». Et encore en dernier lieu il ne parle que conditionnellement, tout dépendra d’eux-mêmes : « Si la chose le mérite », dit-il. Il dépendait d’eux assurément de donner une somme assez grosse pour que l’apôtre crût qu’elle vaudrait la peine qu’il s’en chargeât.
« Or, j’irai vous voir quand j’aurai passé par la Macédoine (5)». Ceci, l’apôtre l’a déjà dit plus haut, mais avec colère ; car il ajoutait : « Et je connaîtrai non les discours des orgueilleux, mais leur vertu ». (1Cor. 4,19). Ici il parle avec plus de douceur, afin qu’ils désirent sa présence. Et pour qu’ils ne disent pas : Pourquoi donc nous préférez-vous les Macédoniens, il ne met pas : Quand j’aurai été en Macédoine, mais : « Quand j’aurai passé par la Macédoine, car je passerai par la Macédoine. Peut-être que je séjournerai chez eux, et que j’y passerai l’hiver (6) ». Mon dessein n’est pas de vous voir seulement en passant, je veux m’arrêter chez vous et y séjourner. Il était à Éphèse lorsqu’il écrivait cette épître, et c’était pendant l’hiver. C’est pourquoi il dit : « Je demeurerai à Éphèse jusqu’à la Pentecôte (8) ». Ensuite, j’irai en Macédoine, et après l’avoir traversée, j’irai vous voir l’été ; et peut-être passerai-je l’hiver chez vous.
3. Mais pourquoi saint Paul dit-il « peut-être », sans rien assurer de positif ? Parce qu’il ne prévoyait pas tout, et cela utilement. C’est pourquoi il n’affirme pas absolument, de sorte que s’il en arrivait autrement, il aurait recours pour se défendre à sa promesse conditionnelle, et à l’autorité du Saint-Esprit : gui à son, gré conduisait l’apôtre, et ne le laissait pas toujours aller où il aurait voulu. Il le témoigne, dans sa seconde épître, lorsque pour justifier son retard, il dit : « Ou quand je prends une résolution, cette résolution n’est-elle qu’humaine, et trouve-t-on ainsi en moi le oui et le non ». (2Cor. 11,17) – « Afin que vous me conduisiez au lieu où je pourrai aller ». Ceci témoigne encore de la charité de l’apôtre et de son grand-amour pour ses disciples. – « Car je ne veux pas cette fois vous voir seulement en passant, et j’espère demeurer assez longtemps chez vous, si le Seigneur le permet (7) ». Ces paroles qui sont l’expression de sa charité, tendent aussi à faire trembler les pécheurs, non pas ouvertement, mais seulement sous prétexte d’amitié. – « Je demeurerai à Éphèse jusqu’à la Pentecôte ». Il leur fait part exactement de tous ses desseins et familièrement comme à des amis. Car c’est encore une marque d’amitié qu’il leur donne, de leur dire la raison pourquoi il n’a pas encore été les voir, pourquoi il diffère, et en quel lieu il demeure. – « Car une grande porte s’y ouvre, visiblement devant moi, et il s’y élève contre moi beaucoup, d’ennemis » (9), Une grande « porte » et « beaucoup d’ennemis », comment ces choses vont-elles ensemble ? Les ennemis s’élèvent précisément – parce que la foi est grande, parce qu’elle trouve une grande et large entrée. Qu’est-ce à dire une grande porte?. c’est-à-dire que beaucoup sont tout prêts à embrasser la foi, beaucoup sont sur le point, de s’approcher de Dieu et de se convertir. Une large entrée se présente, parce que l’âme de ceux qui s’approchent est mûre pour la soumission à la foi. Le démon voyant que tant d’hommes allaient l’abandonner, soufflait partout sa fureur. Cette double raison engageait donc saint Paul à demeurer là : beaucoup de fruit d’un côté, et de grands combats de l’autre. Il encourageait aussi beaucoup les Corinthiens, en leur disant que la parole de Dieu croissait et fructifiait de toute part avec facilité. Si beaucoup d’ennemis se soulevaient contre elle, c’était une preuve de plus du progrès de l’Évangile. Car le démon n’est jamais plus en colère que lorsqu’on lui enlève beaucoup de dépouilles.
Faisons – de même, et lorsqu’il s’agira de quelque grande et généreuse entreprise à exécuter, ne regardons pas à la peine qu’elle, causera ; mais aux fruits qu’elle produira. Voyez Paul en effet, il ne s’effraye et ne se rebute de rien, quelque nombreux que soient les ennemis ; mais parce qu’une large porte s’ouvre à la foi, il persévère ; il demeure à sa tâche. Comme je l’ai dit, la multiplicité des ennemis n’était qu’un signe que le démon se sentait dépouillé. Ce n’est pas par de petites ou de mauvaises actions que l’on excite la fureur de ce monstre. Lors donc que vous voyez un homme juste et qui fait de grandes choses, souffrir toute espèce de traverses, n’en soyez pas étonnés. Il faudrait plutôt s’étonner si, recevant tant de coups douloureux, il restait néanmoins tranquille et souffrait doucement ses blessures. Vous étonnez-vous lorsqu’un serpent que l’on excite en le piquant, s’exaspère et se jette sur celui qui le pique ? Il n’y a pas de serpent si