Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/613

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

âpre que le démon, il se jette sur tous, et tel qu’un scorpion irrité il se dresse en agitant un dard empoisonné. Que cela ne vous trouble point. Un soldat victorieux ne revient pas d’une sanglante mêlée sans être couvert de sang, sans rapporter des blessures. Lors donc que vous voyez quelqu’un qui fait l’aumône, qui pratique toute espèce, de bonnes œuvres et porte ainsi à la puissance du démon des coups mortels, ne vous étonnez point s’il tombe dans les tentations et les dangers. Si la tentation est venue l’assaillir, c’est précisément parce qu’il a porté de rudes coups au démon. Et pourquoi, dira-t-on, Dieu permet-il que le juste soit tenté ? Afin que sa couronne en soit embellie, afin que le démon voie aggraver sa défaite.. L’homme qui ayant Suivi le chemin de la vertu est arrivé à l’épreuve et qui remercie Dieu de tout, celui-là inflige au démon des coups terribles. C’est déjà beaucoup, pendant que le souffle de la bonne fortune gonfle nos voiles de rester toujours fidèle à l’aumône et à toute espèce de vertu ; mais c’est beaucoup plus de persévérer dans cette belle conduite en dépit de tous les maux. C’est celui-là surtout qui travaille en vue de Dieu.
Ainsi donc, mes frères, dans les dangers et dans les peines restons plus que jamais attachés à la vertu. La vie présente n’est pas le temps de la récompense. Ne réclamons donc pas la couronne dès ici-bas, pour ne pas amoindrir notre récompense au jour des couronnes. De même que pour les ouvriers, ceux qui se nourrissent en travaillant reçoivent un salaire plus élevé, tandis que le salaire de ceux qui sont nourris par les personnes qui les emploient se trouve notablement amoindri ; de même parmi les saints, celui qui aura subi mille épreuves en pratiquant la vertu reçoit la récompense entière, et une rémunération plus considérable, non seulement pour les bonnes œuvres qu’il a faites, mais encore pour les maux qu’il a soufferts. Au contraire, celui qui passe ses jours dans le relâchement, et la mollesse ne reçoit pas à beaucoup près d’aussi brillantes couronnes là-haut. Ne cherchons donc pas ici-bas notre récompense, mais soyons au comble de la joie lorsqu’il nous arrive de souffrir en faisant le bien.
4. Et pour rendre ce que je dis plus sensible, supposons deux riches, tous deux compatissants et généreux envers les pauvres. Que l’un demeure en possession de ses richesses, qu’il jouisse de toutes les prospérités ; que l’autre tombe dans la pauvreté et dans les maladies, et dans les malheurs, et que cependant il rende grâces à Dieu. Lorsqu’ils s’en iront là-haut, lequel des deux recevra la récompense la plus grande ? N’est-il pas clair que c’est celui qui aura été exercé par la maladie et l’infortune, puisqu’il n’aura montré aucune faiblesse dans une vie toujours vertueuse et cependant durement éprouvée ? Celui-ci est la statue de diamant, celui-ci est le serviteur de bonne volonté. Si ce n’est pas même dans l’espoir du royaume qu’il faut opérer le bien, mais dans l’intention de plaire a Dieu, que mérite celui qui, parce qu’il ne reçoit pas dès ici-bas le prix de sa bonne conduite, se relâche dans la pratique de la vertu ? Ne nous troublons donc pas, lorsque nous voyons qu’un tel qui invitait les veuves, qui recevait les voyageurs, a perdu sa maison consumée par l’incendie, ou éprouvé quelqu’autre malheur, et en effet il recevra pour cela une récompense. Job lui-même est devenu moins célèbre par ses aumônes que par les épreuves qui survinrent. On méprise au contraire ses amis, on les regarde comme des gens de rien, parce qu’ils cherchaient ici les récompenses temporelles et que d’après ce principe ils condamnaient injustement le juste.
Ne cherchons donc pas ici-bas notre récompense, devenons pauvres et indigents. Il est de la dernière folie, quand on nous propose le ciel et ce qui est au-dessus pour prix de notre vie, d’abaisser ses regards aux choses de la terre. Ne faisons pas ainsi, et de quelque malheur que nous puissions être surpris, suivons Dieu sans nous lasser, et suivons le conseil de saint Paul, ayons un tronc des pauvres dans notre maison, qu’il soit placé près de l’endroit où vous vous tenez pour prier ; et chaque fois que vous entrez pour faire votre prière, déposez d’abord votre aumône, et ensuite faites monter votre oraison ; et de même que vous ne voudriez pas vous mettre en prière sans vous être auparavant lavé les mains, de même ne priez pas sans avoir fait l’aumône. Ce n’est pas une chose moins utile d’avoir ainsi une aumône cachée que d’avoir l’Évangile suspendu auprès de son lit.
Si vous suspendez l’Évangile et que vous ne le pratiquiez pas, il ne vous en reviendra pas grand-chose. Avec ce petit coffre vous avez une arme contre le démon, la prière que vous