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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/618

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faire avancer dans la vertu, et pour supprimer entièrement le péché.
« Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous (23) ». Il est d’un pasteur d’aider les âmes, non seulement de ses exhortations, mais de ses prières. « Ma charité est avec vous tous en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen. (24) ». Pour n’avoir pas l’air de les flatter en finissant par ce témoignage d’affections, il dit « en Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Son amour n’a rien d’humain, ni de charnel ; il est tout spirituel, et par conséquent très sincère. Le terme dont il se sert témoigne un vif amour. Séparé d’eux par la distance des lieux, il étend les bras de sa charité pour les embrasser de loin. Ma charité, dit-il, « est avec vous tous », c’est comme s’il disait : Je suis avec vous tous. Il ne pouvait mieux leur témoigner qu’il ne leur avait rien écrit par aigreur et par colère, mais uniquement par le zèle qu’il avait de leur salut, puisqu’après une si longue réprimande qu’il leur avait adressée, il ne ressentait contre eux aucune aversion, mais au contraire il les aimait et les embrassait malgré la distance par le moyen de ses lettres qui portaient au milieu d’eux son âme et son cœur. C’est ainsi que doit agir celui qui corrige les autres. Quand on corrige par un mouvement de colère, on satisfait simplement sa, passion. Mais quand après avoir corrigé celui qui pèche, on lui témoigne de la charité, on lui prouve par là que tout ce qu’on a dit pour réprimander, venait d’un sentiment d’affection.
Ayons soin, mes frères, de garder cet esprit de douceur en nous reprenant les uns les autres. Que l’on fasse des remontrances sans se fâcher, Autrement ce ne serait plus de la correction, mais de la passion. Que d’un autre côté celui qui est repris, ne se fâche pis ; on veut le guérir et non le blesser. Les médecins quelquefois appliquent le fer et le feu, et personne ne les condamne, quoiqu’ils n’arrivent pas toujours au point qu’ils s’étaient proposé ; et malgré la douleur que leur fait éprouver ce traitement, les malades reconnaissent pour leurs bienfaiteurs ceux qui les y soumettent ; combien celui qui reçoit une réprimande doit-il plus entrer dans ce sentiment, et regarder comme un médecin et non comme un ennemi la personne qui le corrige ? Et nous qui reprenons les autres, faisons-le avec beaucoup de douceur, avec beaucoup de tact. Si nous voyons faillir notre frère, suivons le conseil du Sauveur, ne rendons pas publique la réprimande que nous lui adressons, faisons-la seul à seul, sans paroles amères, sans insulter le pauvre malheureux, qui est par terre, mais avec douleur et en nous apitoyant sur son sort. Montrons-nous tout prêts à bien accueillir nous-même la réprimande toutes les fois que nous la mériterons par nos fautes.
Pour rendre plus clair ce que je dis, faisons une supposition. Car Dieu nous garde que ce que nous allons dire pour exemple devienne jamais quelque chose de réel ! Supposons qu’un de nos frères habite avec une vierge, il aura beau être honnête et chaste il n’évitera pas les mauvais bruits. Si donc vous entendez parler de cette cohabitation dans le monde, ne méprisez pas ceque l’on en dit. Ne dites point Est-ce que cet homme n’est pas sage, et, ne sait-il pas ce quilui est expédient ? Fais-toi aimer sans raison, mais sans raison ne te fais pas haïr, dit-on. Qu’ai-je affaire de m’attirer d’es inimitiés lorsque ce n’est point nécessaire ? Ce langage plein de délire conviendrait aux bêtes ou plutôt aux démons. Ce n’est pas s’exposer à l’inimitié sans raison que de s’y exposer pour faire une juste correction, puisqu’on y gagne les plus grands biens et d’ineffables récompenses. Si vous me dites : Mais quoi, cet homme n’a-t-il pas la raison pour se conduire ? Je vous répondrai qu’il ne l’a plus, et que l’enivrement de sa passion la lui a ôtée. Si devant les tribunaux civils ceux qui ont souffert une injustice sont incapables de parler pour eux-mêmes à cause de la colère qui les trouble, lorsque cependant ce n’est pas un trimé que de ressentir une injure, combien plus encore sera troublée la raison de ceux qui sont en proie à quelque habitude mauvaise ? Je soutiens donc que, quand même cet homme aurait de la raison autant et plus que vous ne dites, sa raison est au moins endormie maintenant. Quoi de plus sage que David, qui disait à Dieu : « Vous m’avez révélé les secrets de votre sagesse ». (Ps. 50,8) Cependant lorsqu’il eut regardé avec des yeux injustes la femme d’Urie, alors, selon ce qu’il dit lui-même, il lui arriva ce qui arrive d’ordinaire aux navigateurs lorsque la mer devient furieuse : « Toute sa sagesse fut engloutie ». (Ps. 106,27) Et il fallut qu’une main étrangère viril ; le, sauver de ce naufrage, car pour lui, il ne s’apercevait pas même qu’il était tombé au fond de l’abîme. C’est pourquoi, en déplorant