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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/619

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ses péchés, il disait : « Mes iniquités, comme un lourd fardeau, se sont appesanties sur moi : La pourriture et la corruption sont entrées dans mes plaies à cause de mon ignorance ». (Ps. 37,5-6)
4. Ainsi donc celui, qui pèche n’a point sa raison ; il est plongé dans l’ivresse, et dans les ténèbres. Ne dites donc pas qu’il est assez sage pour se conduire ; ne dites pas non plus : « Ce n’est point là mon affaire, chacun portera son fardeau ». (Gal. 6,5) C’est un grand, péché pour vous, lorsque voyant quelqu’un qui s’égare, vous ne le remettez pas dans la bonne voie. Si d’après la loi des Juifs il n’était pas permis de laisser périr, sans lui porter secours, la bête de somme de son ennemi, quel pardon pourra espérer celui qui voit périr sans s’en mettre en peine ; non la bête de somme ni même l’âme de son ennemi, mais l’âme de son ami ? Il ne suffit pas pour nous excuser que cet homme ait sa raison ; puisque nous qui avons l’habitude d’exhorter les autres, nous ne pouvons nous suffire à nous-mêmes, de sorte que nous avons besoin de recourir aux lumières, des autres. Lors donc que quelqu’un pèche, considérez qu’il est plus naturel qu’il reçoive de vous que de lui-même le bon conseil dont il a besoin, et ne dites pas : Qu’ai-je besoin de me mêler de cela ? Craignez de dire cette parole en vous souvenant de celui qui le premier a osé dire-: « Suis-je le gardien de mon frère ? » Ce dernier mot équivaut à celui-là. Tous nos maux viennent précisément de ce que nous traitons comme étrangers les membres de notre corps. Que dites-vous ? Vous n’avez pas à vous occuper de votre frère ? Mais qui donc s’en occupera ? Sera-ce l’infidèle, lui qui se réjouit de sa chute et y insulte avec outrage ? Sera-ce le démon, lui qui le pousse et le fait tomber ?
Mais, dites-vous, je donne les conseils qu’il faut, et ce que je dis ne sert à rien. – Et comment savez-vous que cela ne sert à rien ? N’est-il pas de la dernière folie, lorsque l’événement est incertain, de s’exposer à un péché certain de paresse et de négligence ? Dieu lui-même qui connaît l’avenir, n’a-t-il pas souvent donné des avertissements qui ont été inutiles ? Cependant les a-t-il moins donnés, quoiqu’il sût qu’on ne les écouterait pas ? Si donc Dieu ne laisse pas que de donner des avertissements qu’il prévoit devoir rester inutiles, quelle sera votre excuse, vous qui ignores absolument l’avenir et qui néanmoins vous laissez aller à la défaillance et à la torpeur ? Beaucoup pour avoir essayé ont réussi ; souvent même c’est lorsqu’on a le plus lieu de désespérer que l’on obtient le succès le plus complet. Et quand même vous travailleriez en vain, vous feriez au moins ce que vous devez. Ne soyez donc point inhumain, sans entrailles, négligent. Car ces excuses que vous donnez sont des marques de votre cruauté et de votre négligence, lugez-en vous-même. Pourquoi, en effet, lorsqu’un membre de votre corps souffre, ne dites-vous pas : Qu’ai-je affaire de m’en occuper ? Et qu’est-ce qui me prouve que si je m’en occupais, il guérirait ? Même en supposant que vous n’atteindrez pas le but, ne faites vous pas tout au monde pour n’avoir pas à vous reprocher d’avoir rien négligé de ce qui devait être fait ? Est-il juste, quand on prend tant de soin des membres de son corps, de négliger les membres de Jésus-Christ ? Est-ce même pardonnable ? Car si je ne puis vous fléchir en vous disant : Ayez soin de votre propre membre ; je rappelle en votre mémoire le corps de Jésus-Christ, afin que la crainte au moins vous fasse rentrer dans votre devoir. Comment ! voir sa propre chair tomber en pourriture et n’en être nullement ému ! N’est-ce pas une nonchalance à faire frémir ? Vous auriez un de vos esclaves, vous n’auriez même qu’une bête de somme en cet état, que vous n’auriez pas le cœur d’y rester indifférent. Et lorsque le corps de Jésus-Christ même est rempli de pourriture, vous le négligez ? Ne vous rendez-vous pas digne de toutes les foudres du ciel ? C’est par là que tout est mis sens dessus dessous dans le monde, je veux dire par cette inhumanité, cette insouciance cruelle.
Je vous conjure donc, rues frères, de renoncer à cette dureté. Allez trouver cet homme qui habite avec une vierge ; faites-lui compliment pour ses bonnes qualités ; adoucissez son mal au moyen de la louange, comme vous feriez une tumeur avec de l’eau tiède. Gémissez sur vous-même, faites le procès à tous les fils d’Adam, montrez que nous sommes tous pécheurs ; demandez-lui pardon, dites-lui que vous vous chargez d’une affaire qui est au-dessus de vous, mais que la charité fait tout oser. Ensuite, pour donner votre avis, prenez un ton qui n’ait rien d’impérieux, mais qui soit tout fraternel. Lorsque vous aurez de la sorte