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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/71

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que Jésus de Nazareth détruira ce lieu et changera les traditions que Moïse nous a données ». Ils accusaient déjà ainsi le Christ, quand ils disaient : « Toi, qui détruis le temple de Dieu ».
Ils professaient un grand respect pour le temple, parce qu’ils voulaient s’y établir, et aussi pour le nom de Moïse. Vous voyez que l’accusation est double : « Il détruira ce lieu et changera les coutumes ». Elle n’est pas seulement double, mais amère et grosse de périls. « Et tous ceux qui étaient assis au conseil, jetant les yeux sur lui, virent que son visage était comme le visage d’un ange ». Ainsi peuvent briller même ceux qui sont dans un degré inférieur. Mais de grâce, qu’avait-il de moins que les apôtres ? N’avait-il pas fait des miracles ? N’avait-il pas parlé avec une grande liberté ? ce : Ils virent que son visage était comme le visage d’un ange ». C’était la grâce, c’était la gloire de Moïse. Il me semble que Dieu l’avait revêtu de cet éclat, peut-être parce qu’il avait quelque chose à dire, et pour les frapper d’épouvante par son seul aspect. Car il est possible, très-possible, que des figures remplies de la grâce céleste soient aimables aux yeux des amis et respectables et terribles aux yeux des ennemis. Ou peut-être veut-on donner la raison pour laquelle on l’a laissé parler. Mais que dit le prince des prêtres ? « Les choses sont-elles ainsi ? » Voyez-vous comme la question est pleine de douceur et n’a rien de désagréable Aussi Étienne commence-t-il son discours de la façon la plus bienveillante : « Hommes, mes frères et mes pères, écoutez : le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham quand il était en Mésopotamie, avant qu’il habitât à Charan ». Dès le début il détruit leur opinion et prononce, sans qu’on s’en doute, que le temple n’est rien, non plus que la coutume, qu’ils n’empêcheront pas la prédication, et que toujours Dieu part de l’impossible pour préparer et exécuter ses desseins. C’est là le tissu de son discours par lequel il leur démontre qu’ayant toujours été l’objet de la bonté de Dieu, ils n’ont payé ses bienfaits que d’ingratitude et qu’ils tentent l’impossible. « Le Dieu de gloire apparut à notre père Abraham et lui dit : Sors de ton pays et viens dans la terre que je te montrerai ».
2. Il n’y avait pas de temple encore, pas de sacrifices, et pourtant Abraham était honoré de la vue de Dieu, lui dont les ancêtres étaient de l’Orient et qui habitait une terre étrangère. Et pourquoi tout d’abord appelaient-ils Dieu le Dieu de gloire ? Parce que Dieu a glorifié ceux qui étaient méprisés ; et pour nous montrer que, s’il a glorifié ceux-là, à plus forte raison, glorifiera-t-il ceux-ci. Voyez-vous comme il les entraîne loin des choses matérielles, et d’abord loin du lieu, puisqu’il s’agissait de lieu ? « Le Dieu de gloire ». Si Dieu est le Dieu de gloire, il est évident qu’il n’a pas besoin de la nôtre, ni de celle du temple, puisqu’il est lui-même la source de la gloire. Ne pensez donc pas que vous le glorifierez par là. Et pourquoi, direz-vous, l’Écriture ne rapporte-t-elle ici que ce seul trait de la vie d’Abraham ? Parce qu’elle omet ce qui n’est pas absolument nécessaire. Elle ne nous a appris que ce qu’il nous était utile de connaître ; à savoir qu’ayant vu le Fils, il a émigré vers lui[1]. Elle a passé le reste sous silence, parce qu’Abraham est mort peu de temps après s’être établi à Charan.
« Sors de ta parenté ». Ici il leur fait voir qu’ils ne sont pas fils d’Abraham. Comment cela ? Parce qu’Abraham a obéi et qu’ils n’obéissent point. De plus apprenons, par ce qu’Abraham a fait sur l’ordre de Dieu, que c’est lui qui a eu la peine et que ce sont eux qui recueillent les fruits, et que tous leurs pères ont été dans les tribulations. « Et sortant de la terre des Chaldéens, il habita à Charan ; et après la mort de son père Dieu le transporta dans la terre où vous habitez maintenant, mais il ne lui donna là ni héritage, ni seulement où poser le pied ». Voyez comme il les détache de la terre ! Il ne dit pas : Il donnera, mais : « il n’a pas donné » ; pour faire voir que tout vient de lui, et que rien ne vient d’eux. Abraham sortit, en laissant sa parenté et sa patrie. Pourquoi Dieu ne lui a-t-il pas donné cette terre ? Parce que c’était la figure d’une autre terre et qu’il avait promis de la lui donner. Vous voyez que ce n’est pas sans raison qu’il reprend son discours : « Il ne l’a pas donnée », dit-il. « Et il promit de la donner à sa race après lui, quoiqu’il n’eût point de fils ». Par là il montre la puissance de Dieu, qui fait des choses qui semblent impossibles. Dieu, en effet, promet de rendre maître de la Palestine

  1. Allusion à ce passage de l’Évangile : Abrabam a désiré voir mon jour, il l’a vu, il s’en est réjoui.