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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/78

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 Et ils furent transportés à Sichem et déposés dans le sépulcre qu’Abraham avait acheté à prix d’argent du fils d’Hémor, fils de Sichem ». Preuve qu’ils n’avaient pas même la propriété d’un tombeau. « Mais comme approchait le temps de la promesse que Dieu avait jurée à Abraham, le peuple crût et se multiplia en Égypte, jusqu’à ce qu’il s’éleva un autre roi qui ne connaissait pas Joseph ». Vous voyez que Dieu ne les avait pas multipliés pendant tant d’années, mais seulement quand la fin approcha ; et pourtant ils avaient passé plus de quatre cents ans en Égypte. Voilà le prodige. « Celui-ci, circonvenant notre nation, affligea nos pères, jusqu’à leur faire exposer leurs enfants pour en empêcher la propagation ». – « Circonvenant » ; par ce mot il indique le meurtre secret : car Pharaon ne voulait pas les tuer publiquement ; et pour cela il ajoute : « Jusqu’à leur faire exposer leurs enfants. En ce même temps naquit Moïse qui fut agréable à Dieu ». L’étonnant est que le futur chef ne naît ni avant ni après, mais au milieu même de ces mesures de fureur.
« Et il fut nourri trois mois dans la maison de son père ». C’est quand tout est humainement désespéré, quand ses parents l’ont rejeté, que l’action de la Providence se montre avec éclat. « Exposé ensuite, la fille de Pharaon le prit et le nourrit comme son fils ». Quand de si grands événements se passaient, il n’y avait encore ni temple, ni sacrifice. Et il fut nourri dans une maison étrangère. « Et Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, et il était puissant en paroles et en œuvres ». Je m’étonne qu’il eût vécu là quarante ans et que la circoncision ne l’ait pas trahi ; et encore plus que lui et Joseph, au sein d’une vie tranquille, aient ainsi négligé leurs propres intérêts pour sauver les autres. « Mais lorsque s’accomplissait sa quarantième année, il lui vint dans l’esprit de visiter ses frères, les enfants d’Israël. Et ayant vu l’un d’eux injustement traité, il défendit et vengea celui qui souffrait l’injure, en frappant l’Égyptien. Or, il pensait que ses frères comprendraient, que Dieu les sauverait par sa main ; mais ils ne le comprirent pas ».
Voyez comme Étienne ne paraît point encore importun, quand il rappelle de si grands événements, et comment on supporte de l’entendre : tant la beauté de son visage les charmait ! « Il pensait que ses frères comprendraient ». Et pourtant il prouvait sa mission par ses œuvres, et il n’y avait pas besoin d’un effort d’intelligence ; néanmoins, ils ne comprirent pas. Voyez avec quelle modération il parle, et comment, après avoir montré Moïse irrité dans cette circonstance, il nous le présente plein de douceur dans une autre. « Le jour suivant il en vit qui se querellaient, et il s’efforçait de les remettre en paix, en disant : « Hommes, vous êtes frères ; pourquoi vous faites-vous tort l’un à l’autre ? Mais celui qui faisait injure à l’autre le repoussa en disant : Qui t’a établi chef et juge sur nous ? Veux-tu me tuer comme tu as tué hier l’Égyptien ? » C’était dans les mêmes sentiments, paraît-il, et dans le même langage qu’ils disaient au Christ : « Nous n’avons pas d’autre roi que César ». Ainsi les Juifs avaient-ils coutume de traiter leurs bienfaiteurs. Voyez-vous la folie ? Ils accusent celui qui doit les sauver, en disant : « Comme tu as tué hier l’Égyptien. Sur cette parole, Moïse s’enfuit, et il demeura comme étranger sur la terre de Madian, où il engendra deux fils ». Il fuit, mais la fuite, pas plus que là mort, ne détruisit l’œuvre providentielle. « Et après quarante ans, l’ange du Seigneur lui apparut dans le désert du mont Sina, au milieu d’un buisson enflammé ».
3. Voyez-vous comme le temps ne saurait nuire aux vues de la Providence ? C’est quand il est en fuite, quand il est proscrit, quand il a passé un long temps sur la terre étrangère et qu’il y a eu deux fils, quand il n’y a plus d’espoir de retour, c’est alors que l’ange lui apparaît. Il donne le nom d’ange au Fils de Dieu, comme à un homme. Et où a lieu l’apparition ? Dans le désert, non dans le temple. Vous le voyez : combien de prodiges ! Et il n’y a point de temple, point de sacrifice. Et ce n’est pas seulement dans le désert, mais dans un buisson. « Ce que Moïse apercevant, il admira la vision, et comme il s’approchait pour examiner, la voix du Seigneur se fit entendre ». Voilà que Dieu lui fait l’honneur de lui parler. « Je suis le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ». Ici, on voit non seulement que l’ange qui lui apparaît est l’ange du grand conseil, mais encore on découvre la bonté que Dieu montre dans cette vision. « Mais Moïse, devenu tout tremblant, n’osait plus regarder.