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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/79

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Et le Seigneur lui dit : Ôte la chaussure de tes pieds ; car le lieu où tu es est une terre sainte ». Il n’y a pas de temple, et le lieu est devenu saint par l’apparition et l’opération du Christ. C’est bien plus merveilleux que le Saint des saints, où Dieu n’a jamais apparu de cette manière, où jamais Moïse n’a ainsi tremblé. Vous avez vu la bonté de Dieu, voyez aussi sa sollicitude. « J’ai vu parfaitement l’affliction de mon peuple qui est en Égypte, j’ai entendu son gémissement, et je suis descendu pour le délivrer. Maintenant, viens, je t’enverrai en Égypte ». Ici, il fait voir que Dieu les conduisait par des bienfaits, par les châtiments et par les prodiges ; mais eux restaient les mêmes. Ceci nous apprend aussi que Dieu est partout. Convaincus de cette vérité, recourons à lui dans les afflictions. « J’ai entendu son gémissement ». – Il ne dit pas simplement : « J’ai entendu » ; mais : à cause des malheurs. Et si quelqu’un demande Pourquoi a-t-il permis qu’ils fussent ainsi affligés ? qu’il apprenne que les afflictions sont pour tous les justes des sources de récompenses ; ou encore il a permis qu’ils – fussent affligés pour faire éclater sa puissance et leur apprendre à être sages en tout. Et voyez que dans le désert non seulement « ils s’engraissèrent, ils s’épaissirent, ils s’élargirent », mais encore ils abandonnèrent Dieu. Car partout, mon cher auditeur, le relâchement de l’âme est un mal. Voilà pourquoi Dieu dit à Adam dès le commencement : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ». Il a permis qu’ils fussent affligés, de peur que, passant à un repos parfait du sein d’une grande tribulation, ils n’en conçussent de l’arrogance, car l’affliction est un grand bien.
Écoutez là-dessus le roi David : « C’est pour mon bien que vous m’avez humilié ! » L’affliction est une grande chose pour les grands hommes, objets de notre admiration, à plus forte raison pour nous. Si vous voulez, examinons-la en elle-même. Supposons un homme nageant dans la joie, livré au plaisir et à la volupté : quoi de plus honteux ? quoi de plus insensé ? Supposons au contraire quelqu’un accablé de douleur et de chagrin, quoi de plus sage ? Aussi le Sage nous dit-il : « Il vaut mieux entrer dans une maison de deuil que dans une maison de joie ». (Sir. 7,3) Peut-être vous moquez-vous de ce que je dis ? Eh bien ! voyons ce qu’Adam fut dans le paradis et ce qu’il fut après ; ce que Caïn fut d’abord et ce qu’il fut ensuite. L’âme ne reste point fixe en elle-même ; mais, comme le souffle du vent, le plaisir l’emporte, elle devient légère, elle n’a plus rien de solide. En effet, elle est prompte à promettre, prompte à engager sa parole, et ballottée par une multitude de raisonnements. De là des rires déplacés, de la gaîté sans raison, un flux de paroles niaises et inutiles. Mais pourquoi parler de la foule ? Prenons quelque saint, par exemple, et voyons ce qu’il a été dans la joie et ce qu’il a été dans la tristesse. Voulez-vous que nous choisissions David ? Quand il était dans le plaisir et dans le bonheur à raison de ses nombreux trophées, de ses victoires, de ses couronnes, de ses délices, de sa sécurité, voyez ce qu’il a dit et ce qu’il a fait : « Pour moi j’ai dit au sein de mon abondance : Je ne serai plus jamais ébranlé ». (Ps. 29) Mais écoutez ce qu’il disait quand il était dans l’affliction : « Et s’il me dit : Je ne veux plus de toi ; me voici : qu’il fasse ce qui sera agréable à ses yeux ». (2Sa. 15,26) Quoi de plus sage que ces paroles : que tout ce qui plaît à Dieu s’accomplisse ? Et encore ce qu’il disait à Saül : « Si le Seigneur vous excite contre moi, que votre sacrifice soit de bonne odeur ». (1Sa. 24,19) Quand il était dans l’affliction, il épargnait même ses ennemis ; mais dans la suite il n’épargna ni ses amis, ni ceux qui ne lui avaient fait aucun mal. Jacob disait aussi dans sa tristesse : « Si Dieu me donne du pain à manger et un vêtement pour me couvrir ». (Gen. 27,30) Jusque-là le fils de Noé n’avait rien fait de coupable ; mais dès qu’il fut assuré d’être sauvé, vous savez comme il devint insolent. Et quand Ezéchias était dans l’affliction, voyez ce qu’il a fait pour son salut : il revêtit un sac et s’assit à terre ; mais quand il était dans la joie, il tomba par enflure de cœur. Aussi Moïse donne-t-il cet avis : « Quand tu auras mangé et bu et que tu seras rassasié, souviens-toi de ton Dieu ». (Deut. 6,12) Un lieu de délices est dangereux et produit l’oubli de Dieu. Quand les Israélites étaient dans l’affliction, ils étaient beaucoup plus nombreux ; dans les temps prospères ils périssaient tous. Mais pourquoi chercher des exemples chez les anciens ? Voyons, si vous le voulez, ce qui se passe chez nous. La plupart s’enflent quand ils sont dans la prospérité ;