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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/81

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ténèbres, confusion de pensées pressées, étreintes, l’âme elle-même proclamant sa détresse. Aussi ceux qui sont les esclaves de leur ventre s’accusent les uns les autres, ne se supportent pas mutuellement et rejettent avec empressement toute l’ordure de leur cœur. Et quand elle est rejetée, ils n’ont pas le calme pour autant ; mais il leur reste les maladies et les fièvres. Oui, dira-t-on, ils sont malades, et leur conduite est honteuse ; il est inutile de nous raconter tout cela, de nous énumérer leurs maladies ; mais moi, qui n’ai pas de quoi manger, je suis malade aussi, je suis déchiré, je me conduis honteusement ; et ceux qui vivent dans les délices on les voit en bon état, gras, joyeux, montés sur des chevaux. Hélas ! quel langage déplorable ! Et ceux qui souffrent de la goutte, qui ne vont qu’en voiture, qui sont liés et bandés dans tous les membres, dites-moi un peu d’où viennent-ils ? Je les nommerais par leurs noms, si je ne craignais qu’ils ne s’en offensassent comme d’une injure. Mais, dirait-on, il y en a qui se portent bien, sans doute, mais parce qu’ils s’adonnent au travail et non pas seulement au plaisir. Mais montrez-moi un homme toujours s’engraissant, toujours oisif et inerte, inoccupé et malgré cela bien portant, vous ne le pouvez pas. Quand tous les médecins seraient là, ils ne pourraient guérir de ses maladies l’homme toujours adonné à son ventre : la nature des choses ne le permet pas. Je vais vous donner l’opinion même des médecins :
Tout ce qu’on introduit dans l’estomac ne devient pas aliment ; car la nourriture elle-même ne contient pas uniquement des éléments nutritifs ; il est des parties destinées aux sécrétions, d’autres à l’alimentation. Si donc vous usez de modération, tout se passe en règle, chaque chose prend sa place propre ce qui est sain et utile va où il doit aller, l’inutile et le superflu se sépare et est rejeté. Mais si vous ne gardez pas de mesure, même ce qui est nutritif devient nuisible. Un exemple rendra ceci plus sensible : Dans le blé il y a la fleur de farine, là farine et le son. Si la meule rencontre la quantité qu’elle peut moudre, elle sépare elle-même les parties ; si on lui en jette trop à la fois, tout est confondu. Il en est de même du vin : si on le traite d’une manière convenable et dans le temps voulu, il se fait d’abord un mélange, puis une partie descend et forme la lie, l’autre monte en écume, et le reste est à l’usage de ceux qui veulent en user : c’est la partie utile qui ne subit pas volontiers de changements ; mais jusque-là ce n’est ni du vin ni de la lie, car tout est mêlé. Ainsi en est-il encore de la mer dans une grande tempête. De même donc que nous voyons alors surnager les poissons morts qui n’ont pu descendre au fond à raison du froid ; ainsi quand la voracité fond sur nous comme un torrent, elle met tout en mouvement et fait surnager comme mortes nos pensées jusque-là saines et tranquilles. Eh bien ! puisque tant d’exemples nous font voir de si grands inconvénients, cessons d’appeler heureux ceux qu’il faudrait appeler malheureux, et de plaindre ceux qu’il faudrait appeler heureux, et aimons la sobriété. N’entendez-vous pas les médecins dire que la pauvreté est la mère de la santé ? Et moi je dis qu’elle n’est pas seulement la mère de la santé du corps, mais aussi de celle de l’âme. C’est ce que Paul, ce vrai médecin, nous crie : « Ayant la nourriture et le vêtement, contentons-nous-en ». Suivons son avis, afin d’être sains et de faire ce qu’il faut faire dans Jésus-Christ Notre-Seigneur, en qui appartiennent, au Père, en union avec le Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.