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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/85

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prophètes, à l’Esprit, à tous, comme le dit ailleurs l’Écriture : « Seigneur, ils ont tué vos prophètes et renversé vos autels ». (1R. 19,10) Ils ne respectaient donc la loi qu’en apparence, quand ils disaient : « Il blasphème contre Moïse ». Mais lui leur démontre qu’ils blasphèment non seulement contre Moïse, mais aussi contre Dieu ; qu’ils ont déjà fait cela autrefois, qu’ils ont détruit les traditions et qu’ils n’en ont plus besoin ; que tout en lui reprochant d’être en opposition avec Moïse, ils résistent eux-mêmes à l’Esprit, non d’une manière ordinaire, mais avec homicide, et que depuis longtemps ils nourrissent leur inimitié. Voyez-vous comme il leur prouve qu’ils sont en opposition avec Moïse, avec tous, et qu’ils n’observent pas la loi ? En effet, Moïse avait dit : « Le Seigneur vous suscitera un prophète » ; d’autres avaient prédit qu’il viendrait ; un prophète même avait dit : « Quelle maison me bâtirez-vous ? » Et encore : « M’avez-vous offert des victimes et des sacrifices pendant quarante ans ? » C’était là la liberté d’un homme portant sa croix.
Imitons-la, bien que nous ne soyons pas en guerre ; la liberté est de tous les temps. « Je parlais », dit-il, « de votre loi en présence des rois et je n’étais point confondu ». (Ps. 118) Si nous sommes aux prises avec des gentils, fermons-leur ainsi la bouche, sans colère, sans rudesse. Car si nous agissons avec colère, ce n’est plus de la liberté, mais de la passion ; si nous procédons avec douceur, c’est de la vraie liberté. Il n’est pas possible que la même chose sait en même temps vertu et vice. La liberté est une vertu, la colère est un vice. Si nous voulons parler librement, nous devons donc être exempts de colère, de peur qu’on n’attribue notre langage à cette passion. Quelque justes que soient vos paroles, de quelque liberté que vous usiez, quelques avertissements que vous donniez, quoi que vous fassiez enfin ; si vous agissez avec colère, tout est perdu. Voyez qu’Étienne parle sans colère ; il ne les injurie pas, mais il se contente de leur rappeler les paroles des prophètes. Et la preuve qu’il était sans colère, c’est qu’il a prié pour ceux qui le maltraitaient, disant : « Ne leur imputez pas ce péché ». Paroles qui ne respirent point la colère, mais la douleur et la tristesse qu’il ressent à leur occasion. Aussi est-il dit de son visage : « Ils virent son visage comme le visage d’un ange », afin de les attirer.
Soyons donc exempts de colère. Là où elle se – trouve, l’Esprit-Saint n’habite pas maudit l’homme qui s’y livre ! Il n’y a rien de sain à attendre d’une telle source. Car comme dans la tempête il se fait un grand tumulte, de grands cris, et que ce n’est pas le moment de philosopher ; ainsi en est-il dans la colère. Si on veut donner ou recevoir des leçons de philosophie, il faut attendre à être dans le port. Ne voyez-vous pas que, quand nous voulons parler de choses sérieuses, nous cherchons des endroits tranquilles, où règne le calme et la paix, afin de n’être point dérangés ? Que si le tumulte du dehors nous gêne, à plus forte raison le trouble du dedans. Si quelqu’un prie, sa prière est inutile, s’il la fait avec emportement et colère ; s’il parle, il est ridicule ; s’il se tait, il ne l’est pas moins ; s’il mange, il en souffre ; de même s’il boit ou ne boit pas ; s’il est assis ou debout ; s’il marche ou s’il dort : car la colère peut s’imaginer dans les rêves. Y a-t-il rien qui ne soit déplacé dans l’homme en colère ? Son regard est déplaisant, sa bouche tordue, ses membres tremblants et enflés, sa langue n’a plus de frein et ne ménage rien, son esprit est hors de lui-même ; sa tenue est inconvenante ; tout est désagréable en lui. Quelle différence y a-t-il entre les yeux des possédés du démon et ceux de l’homme qui est ivre ou en colère ? N’est-ce pas la même fureur ? Cela ne dure qu’un temps, dira-t-on, mais le furieux n’est enchaîné non plus que temporairement : et quoi de plus misérable ? Et on ne rougit pas de s’excuser en disant : Je ne savais ce que je disais l Et pourquoi ne le saviez-vous pas, vous homme raisonnable, vous qui avez la raison à votre disposition ? Pourquoi vous conduisez-vous comme les animaux brutes, comme le cheval furieux et emporté ? Cette apologie même est coupable. Plût au ciel que vous eussiez su ce que vous disiez ! C’était la colère qui parlait, dites-vous, et non pas moi. Comment était-ce la colère, puisqu’elle n’a pas d’autre puissance que celle que vous lui prêtez ? C’est comme si l’on disait : Ce n’est pas moi, mais ma main qui a porté ces blessures. Qu’est-ce qui a surtout besoin de colère ? n’est-ce pas la guerre ? n’est-ce pas le combat ? Et pourtant, là encore, la colère gâte tout, perd tout. Car c’est surtout dans le combat qu’il faut se tenir en garde