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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/86

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contre la colère ; surtout encore quand on veut proférer une injure. Et comment combattre ? direz-vous. Par la raison, par la douceur. Combattre, c’est être d’un côté opposé. Ne voyez-vous pas que les guerres mêmes ont des lois, un ordre, des temps fixes ? La colère n’est autre chose qu’un élan déraisonnable ; or, un être sans raison ne peut rien faire de raisonnable.
4. Ainsi donc Étienne disait tout cela et ne se fâchait point. C’était aussi sans colère qu’Élie disait : « Jusqu’à quand boiterez-vous des deux côtés ? » (1R. 18,21) Phinéés porta le coup mortel et ne se fâcha pas. Car la colère ne laisse pas voir ; enchaînant tout comme dans un combat de nuit, elle égare à son gré les yeux et les oreilles. Débarrassons-nous donc de ce démon, arrêtons-le dès le début, mettons en guise de frein un sceau sur notre cœur. La colère est un chien impudent ; qu’elle apprenne à se soumettre à la loi. Si le chien chargé de la garde du troupeau est tellement féroce, qu’il n’obéisse pas à l’ordre du berger et ne reconnaisse pas sa voix, tout est détruit, tout est perdu. Il paît avec les brebis ; mais s’il les dévore, il devient inutile et on le tue. S’il sait vous obéir, nourrissez-le ; il est utile en aboyant contre les loups, contre les voleurs, contre le chef des voleurs, mais non contre les brebis ou les gens de la maison. S’il n’est pas docile, il perd tout ; s’il méprise lavoir du maître, il détruit tout. Loin d’altérer la douceur qui est en vous ; que la colère la protège, et la fasse fleurir ; or, elle la protégera et la fera prospérer en toute sécurité, si elle consume les pensées impures et mauvaises, si elle poursuit le démon à outrance. Et le moyen de conserver la douceur, c’est de ne jamais penser de mal du prochain : nous nous rendrons respectables en apprenant à né jamais agir avec insolence. Rien ne rend impudent comme une mauvaise conscience. Pourquoi les prostituées sont-elles impudentes ? Pourquoi les vierges sont-elles pudiques ? N’est-ce pas le péché qui en ; est cause chez celles-là, et la chasteté chez celles-ci ? Car rien ne rend impudent comme le péché.. C’est tout le contraire, dites-vous ; il inspire la honte. Qui, chez celui qui se condamne lui-même ; mais il rend les autres plus insolents, plus, hardis, car l’homme qui désespère de lui-même devient audacieux. Il est écrit, : « Quand l’impie est arrivé au fond de l’abîme du péché, il méprise ». (Prov. 18,3) Tout homme qui ne sait plus rougir est insolent, et tout insolent est audacieux. Voulez-vous savoir où se perd la douceur ? Quand les mauvaises pensées l’absorbent.
Mais quand cela serait, et quand le chien n’aurait pas poussé de grands aboiements, il ne faudrait pas encore désespérer. Car nous avons une fronde et une pierre (vous savez ce que je veux dire).: nous avons une lance, une étable, un enclos, où nous pouvons abriter nos pensées contre le péril. Traiter doucement les brebis, se montrer vigilant et féroce contre les étrangers, voilà le mérite du chien ; puis ne pas toucher aux brebis, quand il a faim, et quand il est rassasié, ne pas épargner les loups. Qu’il en soit ainsi de la colère ; même quand elle mord, qu’elle ne s’écarte point des lois de la modération ; quand elle est en repos, qu’elle s’anime contre les mauvaises pensées. Elle ne doit point négliger, mais garder ce qui est à nous, fût-il blessant d’ailleurs ; elle doit détruire ce qui est étranger, quelque flatteur qu’il paraisse. Souvent le démon flatte comme un chien ; mais que chacun sache qu’il est étranger. Ainsi, accueillons la vertu, même quand elle attriste : repoussons le vice, même quand il réjouit. Ne soyons pas au-dessous des chiens, à qui le fouet et les chaînes ne font pas lâcher prise. Mais si l’étranger les nourrit, ne seront-ils pas encore plus nuisibles ? Il est des cas où la colère est utile : c’est quand elle aboie contre les étrangers. Que signifient ces mots : « Celui qui se met sans raison en colère contre son frère ? » (Mt. 5,22) C’est-à-dire, ne vous vengez pas, ne réclamez pas en justice ; mais si vous voyez quelqu’un en danger de périr, tendez-lui la main. Dès que vous êtes dégagé de toute affection personnelle, ce n’est plus de la colère.
David surprit Saül ; il ne se fâcha pas, il ne le perça pas de sa lance, il ne s’empara point de son ennemi, mais il repoussa l’assaut du démon. Moise tua l’étranger qui commettait une injustice ; mais il n’en agit point de même avec un homme de son peuple ; il réconciliait ses frères et repoussait les étrangers. Aussi, l’Écriture lui rend-elle ce témoignage : qu’il était le plus doux des hommes ; et pourtant il était vigilant. Il n’en est pas, ainsi de nous Quand nous devrions montrer de la douceur, nous sommes plus féroces que les bêtes sauvages ;