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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/92

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n’en ont nul souci. Quand vous voyez des épines dans un champ, vous employez le fer et le feu, vous détruisez pour débarrasser la terre de cette peste ; mais quand vous voyez les âmes des laboureurs pleines d’épines que vous n’arrachez pas, ne tremblez-vous pas, dites-moi, ne craignez-vous pas celui qui doit un jour vous en demander compte ? Ne faudrait-il pas que chaque fidèle construisît une église, eût un docteur pour conférer et avant tout travaillât à ce que tout le monde fût chrétien ? Comment, de grâce, un laboureur sera-t-il chrétien, quand il vous voit négliger ainsi votre propre salut ? Vous ne pouvez pas faire des prodiges et par là gagner les âmes ? Soit, mais employez les moyens qui sont à votre disposition : la bonté, l’autorité, la douceur, les caresses et le reste.
Beaucoup construisent des marchés publics et des bains, mais point d’églises. Tout plutôt qu’une église. C’est pourquoi je vous exhorte et vous supplie, je vous demande comme une grâce, ou plutôt je vous impose comme une loi, de n’avoir aucune maison de campagne qui ne soit pourvue d’une église. Ne me dites pas : Il y en a une tout près, dans le voisinage ; la dépense serait grande et j’ai peu de revenus. Si vous avez quelque chose à donner aux pauvres, employez-le là ; cela vaudra mieux. Nourrissez un docteur, un diacre, une assemblée de prêtres. Soyez à l’égard de l’Église comme vous seriez à l’égard d’une femme ou d’une fiancée, ou comme si vous mariiez votre fille : faites-lui une dot. Par là votre campagne sera comblée de bénédictions. Et en effet, quel bien lui manquera ? Est-ce peu de chose, dites-moi, que le pressoir soit béni ? Est-ce peu de chose que Dieu ait sa part et les prémices de tous vos fruits ? Cela contribue à tenir les laboureurs en paix. Le prêtre en deviendra respectable : ce qui est utile à la sécurité du lieu. Il y aura là pour vous des prières continuelles, des hymnes, des communions, l’oblation tous les dimanches. Lequel est le plus admirable que d’autres construisent de magnifiques tombeaux pour que la postérité sache qu’un tel les a construits, ou que vous bâtissiez des églises ? Pensez que jusqu’à l’arrivée du Christ vous serez récompensé pour avoir élevé un autel à Dieu.
5. Dites-moi : si un roi vous ordonnait de bâtir une maison où il dût loger, ne mettriez-vous pas tout en couvre ? Or, l’église que vous bâtissez est un palais pour le Christ. Ne regardez donc pas à la dépense, mais songez au fruit que vous en recueillerez ; les laboureurs cultivent la terre, vous, cultivez leurs âmes ; ils vous apportent des fruits, vous, menez-les au ciel. Celui qui pose le principe, est l’auteur de toutes les conséquences. Vous serez donc cause qu’il y aura des catéchumènes dans les lieux voisins. A coup sûr, les établissements de bains rendront les paysans plus mous, les cabarets les rendront plus voluptueux ; et cependant vous en fondez par amour de la gloire. Les marchés, les fêtes, les rendront plus insolents ; mais ici, il en est tout autrement. Quel beau spectacle que celui d’un vieillard, marchant sur les traces d’Abraham, blanchi par l’âge, les reins ceints, bêchant, travaillant de ses mains ! Quoi de plus aimable qu’untel champ ? C’est là que la vertu est plus grande. Là, point d’impudicité, car on la repousse ; là, point d’ivrognerie, point de volupté, car on l’élimine ; là, point de vaine gloire, car on l’éteint ; là, la bienveillance emprunte le plus vif éclat de la simplicité. Quel bonheur de sortir et d’entrer dans la maison de Dieu, de voir qu’on l’a construite, de prendre son repos, puis d’assister aux chants de la nuit et du matin, d’avoir un prêtre à sa table, de s’entretenir avec lui, et de voir les autres se rendre au saint lieu ! Voilà le rempart, voilà la sécurité de la campagne. Voilà le champ dont il est dit : « L’odeur d’un champ rempli, que le Seigneur a béni ». Que si la, campagne est déjà agréable à cause du repos et des larges loisirs dont on y jouit, que sera-ce quand cet avantage s’y rencontrera encore ! Une campagne où il y aune église ressemble au paradis de Dieu. Là, oint de cri, point de tumulte, point d’ennemis d’aucune sorte, point d’hérésies ; tous y sont amis et partagent les mêmes croyances. Le repos vous amène à la philosophie ; le prêtre, vous prenant à ce point de départ, vous guérira sans peine. Ici, la place publique fait oublier tout ce que nous disons ; là, ce que vous entendrez restera gravé dans votre esprit. Par l’influence du prêtre, vous deviendrez tout autre à la campagne ; il sera le chef de tous, il en sera le gardien par sa présence et par l’ordre qu’il établira parmi eux. Dites-moi : à combien se monte la dépense ? Faites d’abord un petit bâtiment en guise de temple ; votre successeur y fera un portique, un autre y