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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/97

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les hommes qui l’accompagnaient demeuraient tout étonnés, entendant bien la voix, mais ne voyant personne. Saul se leva donc de terre et, les yeux ouverts, ne voyait personne. Alors le conduisant par la main, ils le firent entrer à Damas ». Ce sont les dépouilles du démon, ce sont ses instruments qu’ils introduisent, comme il est d’usage après la prise d’une ville ou d’une capitale. Et ce qu’il y a d’étonnant, c’est que ce sont des adversaires, des ennemis qui l’amènent, à la vue de tout le monde. « Et il fut trois jours sans voir, et il ne mangea ni ne but ». A-t-on jamais rien vu de semblable ? La conversion de Paul console du chagrin causé par le meurtre d’Étienne, bien que le genre de mort de celui-ci renferme en lui-même sa consolation ; et que la conversion du pays des Samaritains soit aussi un très-grand sujet de joie.

Et pourquoi, dira-t-on, cela n’est-il pas arrivé plus tôt ? Pour montrer que le Christ était vraiment ressuscité. Car, comment celui qui le persécute, qui ne croit ni à sa mort ni à sa résurrection, qui s’acharne sur ses disciples ; comment, dites-moi, celui-là aurait-il cru, si le crucifié n’eût eu une grande puissance ? Les autres ont cru, soit ! mais que direz-vous à celui-ci ? D’ailleurs il n’est venu qu’après la résurrection, et pas immédiatement encore, afin que son hostilité devînt plus manifeste. Car ce furieux qui verse le sang, qui jette en prison, croit sur-le-champ. Ce n’était point assez qu’il ne fût pas avec le Christ, il fallait encore qu’il fit une guerre violente aux fidèles ; il n’est excès de fureur auquel il ne se livre ; il est le plus emporté de tous. Mais dès qu’il a perdu la vue, il y voit un signe de la puissance et de la clémence divine. Peut-être aussi fallait-il qu’on ne le soupçonnât pas de dissimulation. Mais comment soupçonner de dissimulation un homme altéré de sang, qui va trouver les prêtres, qui se précipite dans les dangers, qui pourchasse et punit même les étrangers ? Et c’est donc après tout cela qu’il reconnaît la puissance de Dieu. Et pourquoi la lumière ne l’enveloppe-t-elle pas dans la ville, et non en dehors ? Parce que la foule n’aurait pas cru, et s’en serait peut-être amusée ; puisque un jour ceux qui étaient présents et qui avaient entendu une voix du ciel, disaient : « C’est le tonnerre ». (Jn. 12,29) Lui, au contraire, sera bien plutôt cru quand il racontera ce qui le touche de si près. On le conduit enchaîné, quoique sans liens ; on traîne celui qui espérait traîner les autres. Et pourquoi ne mange-t-il ni ne boit-il ? Il condamne sa conduite, il s’avoue coupable, il prie, il conjure le Seigneur. Que si l’on objecte que la nécessité l’y forçait (car il en arriva autant à Elymas), nous répondrons : Soit ! mais Elymas demeura comme il était. Et comment se fait-il qu’il n’ait pas été forcé de croire ? Eh ! qu’y avait-il de plus propre à faire violence que le tremblement de terre au moment de la résurrection ; que le témoignage même des gardes qui, après tant d’autres signes, affirmaient avoir vu le Christ ressuscité ? Tout cela instruit, mais ne force point à croire. Et pourquoi les Juifs n’ont-ils pas cru, bien qu’ils connussent tout cela ? Il était évident que Paul disait la vérité : car si rien n’était arrivé, il ne se serait pas converti ; tous devaient donc croire. Il n’était point au-dessous de ceux qui prêchaient la résurrection du Christ, il était même bien plus digne de foi, puisqu’il s’était converti subitement. Il n’avait eu de rapport avec aucun fidèle ; c’est à Damas, ou plutôt près de Damas, qu’a eu lieu sa conversion. Je demande maintenant aux Juifs Pourquoi, de grâce, Paul s’est-il converti ? Il a vu tant de prodiges et il ne s’est pas converti ; son maître a changé, et lui n’a point changé ; qui l’a convaincu, ou plutôt qui lui a inspiré subitement cette si grande ardeur, qui lui faisait désirer d’être anathème pour le Christ ? Ici la vérité des choses apparaît dans tout son éclat. En attendant, comme je le disais tout à l’heure, que la conduite de l’eunuque éclairé et appliqué à la lecture nous fasse rougir. Voyez-vous comme il est puissant, riche, et pourtant occupé, même en voyage ? Que devait-il être chez lui, lui qui ne supportait pas même d’être oisif en route ? qu’était-il pendant la nuit ?

4. Vous tous qui êtes dans les dignités, écoutez et imitez son humilité et sa piété. Quoi qu’il retournât chez lui, il ne dit point : Je rentre dans ma patrie, j’y recevrai le baptême : froid langage que tiennent la plupart. Il n’est pas besoin de signes, il n’est pas besoin de prodiges : il crut sur la parole du prophète. C’est pourquoi Paul s’afflige sur lui-même, en disant : « Moi j’ai obtenu miséricorde de Dieu, parce que j’ai agi par ignorance,