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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/98

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dans l’incrédulité, et afin qu’en moi le premier, le Christ Jésus montrât toute sa patience ». (1Tim. 1,13, 16) Certainement, cet eunuque est digne d’admiration. Il n’a point vu le Christ, il n’a point vu de miracle ; il voyait Jérusalem encore debout, et il a cru à Philippe. Qui l’a donc rendu tel ? son âme était pleine de sollicitude, il s’appliquait aux Écritures, il s’adonnait à la lecture. Or le larron avait vu des prodiges, les mages avaient vu l’étoile ; mais lui n’avait rien vu de pareil, et pourtant il crut, tant est utile la lecture des Écritures ! Mais Paul, dira-t-on, ne méditait-il pas la loi ? Oui, mais il me semble qu’il a été réservé à dessein pour le but que, j’indiquais plus haut, à savoir, parce que le Christ voulait attirer les Juifs de tout côté, car rien ne pouvait leur être plus utile que sa conversion, s’ils eussent eu de l’intelligence. Elle devait plus les attirer que les signes, que tout autre moyen ; comme aussi rien n’était plus propre à scandaliser des âmes grossières. Voyez donc Dieu faire des prodiges après la dispersion des apôtres. Les Juifs avaient accusé les apôtres, les avaient jetés en prison ; Dieu fait des miracles. Et voyez comment les tirer de prison, amener Philippe, attirer Paul, se montrer à Étienne : autant de signes de sa main. Et puis voyez quel honneur est fait à Paul, quel honneur à l’eunuque ! Au premier le Christ se montre, peut-être durement, parce qu’autrement il n’eût pas cru. Et nous qui sommes familiers avec ces prodiges, rendons-nous-en dignes. Beaucoup de gens entrent maintenant à l’église et ne savent pas ce qui s’y dit ; mais l’eunuque, même sur la place publique, même sur son char, s’appliquait à la lecture des Écritures.
Il n’en est pas de même de vous ; personne n’a ce livre entre les mains ; tout plutôt que la Bible. Mais pourquoi n’a-t-il pas vu Philippe avant d’entrer à Jérusalem, mais seulement après ? Parce qu’il ne devait pas voir les apôtres chassés, vu qu’il était encore faible ; et parce qu’il n’aurait pas cru aussi facilement qu’il l’a fait après avoir été instruit par le prophète. Il en sera de même pour vous : si quelqu’un veut lire attentivement les prophètes, il n’aura pas besoin de signes ; et si vous le voulez, voyons la prophétie elle-même. « Comme une brebis, il a été mené à la boucherie ; dans l’humiliation, son jugement a été aboli ». Par là l’eunuque apprit que le Christ a été crucifié, que la vie terrestre lui a été enlevée, qu’il n’avait pas commis de péché, qu’il a pu sauver les autres, que sa génération ne saurait être racontée, que les pierres se sont fendues, que le voile s’est déchiré, que les morts sont sortis de leurs tombeaux ; ou plutôt Philippe lui dit tout cela en expliquant le texte du prophète. La lecture des Écritures est donc une grande chose. Ainsi s’accomplissait la parole de Moïse : « Assis, couché, debout, marchant, souviens-toi de ton Dieu ». (Deut. 6,7) Les voyages surtout, quand ils se font dans la solitude, nous donnent occasion de réfléchir, parce que personne ne nous distrait. C’est en route que l’eunuque obtient la foi, et Paul aussi ; mais c’est le Christ lui-même, et non un autre, qui attire Paul. Ceci dépassait le pouvoir des apôtres ; le plus merveilleux encore, c’est que, quoique les apôtres fussent à Jérusalem et qu’aucun d’eux ne se trouvât à Damas, Paul revint croyant de cette ville ; et ceux qui étaient à Damas savaient qu’il n’avait point la foi en sortant de Jérusalem, puisqu’il portait des lettres pour enchaîner les fidèles. Comme un excellent médecin, le Christ l’a guéri au fort même do la fièvre ; car il fallait le saisir dans l’accès de sa fureur. C’est alors que sa chute a été plus sensible, et qu’il s’est mieux condamné lui-même pour avoir formé de si criminelles entreprises. Mais il serait bon de reprendre le fil du discours que nous vous adressions. A quoi bon les Écritures ? je vous le demande ? En ce qui vous regarde, elles n’existent plus. A quoi bon l’église ? Enfouissez les livres ; peut-être le jugement sera-t-il moins terrible, la punition moins forte. Oui, celui qui les enfouirait et ne les écouterait plus, les outragerait moins que vous ne le faites maintenant. Quel serait en effet son tort à leur égard ? De les avoir enfouis. Quel est le nôtre ? De ne pas les écouter. Or, je vous le demande, lequel est le plus injurieux de ne pas répondre à qui se tait, ou de ne pas répondre à qui parle ? Évidemment c’est ce dernier. Donc vous qui n’écoutez pas cette voix qui vous parle, vous commettez une plus grave injure, vous montrez un plus grand mépris. « Ne nous parlez pas », disaient autrefois les Juifs aux prophètes ; mais vous, vous faites pire, en disant : Ne nous parlez pas, nous ne ferons rien. Car les Juifs engageaient les prophètes à ne pas parler, de peur