Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 9, 1866.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que leur parole ne leur inspirât quelque sentiment de piété ; mais vous, par un mépris plus grand, vous ne faites pas même cela. Croyez-moi : quand vous nous fermeriez la bouche de votre propre main, vous ne commettriez pas un aussi grand outrage que maintenant. Car enfin, celui qui écoute et n’obéit pas, ne montre-t-il pas un plus grand mépris que celui qui n’écoute pas ?
5. Traitons ce sujet plus à fond. Si quelqu’un contenait celui qui l’injurie et lui fermait la bouche, à cause de la peine qu’il éprouverait à se voir injurié, et qu’un autre rien eût aucun souci, n’eût pas même l’air d’y faire attention, lequel montrerait le plus grand mépris ? N’est-ce pas celui-ci ? Le premier fait voir qu’il sent le coup ; le second ferme, pour ainsi dire, la bouche à Dieu. Ce mot nous fait horreur mais écoutez comment cela se fait. La bouche par laquelle Dieu parle, est la bouche de Dieu. Car de même que notre bouche est celle de notre âme, bien que notre âme n’ait pas de bouche ; ainsi la bouche des prophètes est la bouche de Dieu. Écoutez et tremblez. Un diacre se tient debout, élève la voix et crie : « Attention ! » et cela bien des fois. Cette voix est celle de toute l’Église, et personne ne fait attention. Après lui, le lecteur commente la prophétie d’Isaïe et personne encore ne fait attention, bien que ce langage n’ait rien d’humain. Ensuite, s’adressant à l’auditeur, il dit : « Voici ce que dit le Seigneur », et personne encore n’est attentif. Que dis-je ? Il raconte des choses effrayantes, horribles, et personne n’est attentif. Mais que dit la foule ? – On nous lit toujours les mêmes choses. – Et voilà surtout ce qui vous perd. Quand même vous sauriez cela, ce n’est pas une raison pour en détourner votre esprit ; au théâtre, le spectacle est toujours le même et vous ne vous en lassez pas. Comment osez-vous parler ainsi, vous qui ne connaissez pas même les noms des prophètes ? Vous ne rougissez pas de vous excuser en disant qu’on vous lit toujours les mêmes choses, quand vous ne savez pas même les noms des écrivains, bien que vous les entendiez toujours ? Vous convenez vous – même qu’on dit toujours les mêmes choses. Si je disais cela par manière de reproche, vous devriez recourir à une autre excuse, et ne pas ainsi vous accuser vous-même. Dites-moi : Ne donnez-vous point d’avis à votre fils ? Et s’il vous disait que vous répétez toujours les mêmes choses, ne prendriez-vous pas cela pour une injure ? Il serait permis de ne pas répéter, si nous savions bien ces choses, et que nous le prouvassions par notre conduite ; et encore la lecture n’en serait-elle pas inutile. Qui égale Timothée ? Et pourtant Paul lui écrit : « Appliquez-vous à la lecture et à l’exhortation ». (1Tim. 4,13) Car il est impossible, absolument impossible d’épuiser le sens des Écritures ; c’est une source qui n’a pas de fond. J’ai su, dit-on ordinairement, et cela m’a échappé[1].
Voulez-vous que je vous prouve que ce n’est pas toujours la même chose ? À combien portez-vous le nombre de ceux qui ont parlé sur les évangiles ? Eh bien ! tous ont dit quelque chose d’extraordinaire et de nouveau. Car plus on s’y applique, plus la vue devient perçante, plus on est éclairé de la pure lumière. Elles sont grandes, les choses dont je parle. Qu’est-ce qu’une prophétie, dites-le-moi ? qu’est-ce qu’un récit ? qu’est-ce qu’une parabole ? une allégorie ? une figure ? un symbole ? les évangiles ? Ou plutôt répondez seulement à cette question si claire : pourquoi les appelle-t-on évangiles ? Vous avez souvent ouï dire que les évangiles ne doivent renfermer rien de triste ; néanmoins ils sont remplis de passages bien sévères. « Leur feu ne s’éteindra pas et leur vie ne mourra point ». (Mc. 9,43) Et cet autre : « Et il le divisera et il lui donnera sa part avec les hypocrites » (Mt. 24,51) ; et ceci : « Il leur dira : Je ne vous connais pas, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité ». (Id. 7,23) Ne nous faisons donc point d’illusion, en nous imaginant que c’est là un langage à la façon des Grecs. Est-ce que cela ne nous regarde pas ? Mais vous êtes sourds, et, dans votre stupidité, vous baissez la tête. Les évangiles, dit-on, ne doivent contenir rien de pratique, mais simplement donner de bons conseils. Et les choses pratiques y abondent, comme celle-ci : « Si quelqu’un ne hait pas son père et sa mère, il n’est pas digne de moi ». (Lc. 16,26) « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais le glaive ». (Mt. 10,34) « Vous aurez des tribulations dans le monde ». (Jn. 16,33) Voilà qui est bien, mais ce ne sont pas de bonnes nouvelles ; la bonne nouvelle, c’est ceci : vous aurez tels biens ; comme on se dit

  1. Une note du texte dit que cette phrase ne se lie point avec ce qui précède.