Page:Joseph Gabet - Etat des missions de chine.djvu/25

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rédemption sera venue briser ses liens et illuminer ses ténèbres, ne pourra pas présenter, pour mi clergé indigène, autant de ressources qu’unie nation européenne ?

Et encore, lors même que les Chinois nous seraient réellement inférieurs en intelligence et en force morale, serait-ce là une raison suffisante de leur refuser un clergé indigène ? Le prêtre est le chef et le guide des fidèles ; mais par cela même qu’il est lie guide des chrétiens, il ne doit pas leur être tellement supérieur et à une telle distance d’eux, qu’on le perde pour ainsi dire de vue et qu’on désespère de l’atteindre. Autrement, sa qualité de guide deviendrait inutile. Ainsi, d’après ce principe, on pourrait conclure que chaque nation, aidée de la lumière et de la grâce évangélique, pourrait trouver dans ses rangs des membres propres à lui former un clergé indigène. Mais comme il ne s’agit ici que de la nation chinoise, je m’arrête et je veux point généraliser la question. Il suffit seulement de citer à l’appui de cette proposition l’exemple de Notre-Seigneur lui-même, le prêtre par excellence pour opérer le salut dit monde, il a voilé sa divinité, s’est fait homme et a passé par toutes les infirmités humaines ; ensuite, voulant instituer un sacerdoce dépositaire de sa doctrine et chargé de perpétuer et de propager l’oeuvre de la rédemption, il en choisit les membres parmi les rangs les plus vulgaires de la société.

On s’excuse aussi souvent de faire des prêtres du pays, par les mauvaises qualités qu’on prétend trouver en eux lorsqu’ils ont été élevés à cette dignité. Les reproches les plus ordinaires qu’on leur fait sont d’être sans énergie et sans esprit de prosélytisme, de n’avoir aucune capacité pour l’administration des affaires, d’avoir de la défiance et de l’antipathie pour le clergé européen, enfin, d’être trop entêtés des usages et des institutions de leur pays.

On remarque, il est vrai, dans les prêtres chinois, un esprit posé et réfléchi. C’est le caractère dominant de leur nation. L’impétuosité européenne, si ordinaire surtout aux jeunes missionnaires, ne s’accommode pas de la lenteur et de l’esprit calculateur des Chinois ; voilà d’où vient l’accusation de nonchalance et d’apathie répétée sans cesse contre eux.