Page:Joseph Louis de Lagrange - Œuvres, Tome 14.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

19.
LAGRANGE À CONDORCET.
À Berlin, ce 27 septembre 1777[1].

Mon cher et illustre Confrère, M. Bitaubé, mon Confrère à l’Académie, et dont le mérite vous sera peut-être déjà connu, a bien voulu se charger de vous rendre cette lettre et ce paquet. Il vient à Paris presque uniquement pour voir les gens de lettres, et vous jugez bien qu’il doit être empressé de faire votre connaissance. Vous trouverez en lui un homme qui joint beaucoup d’esprit et de lumières à une grande douceur dans le caractère ; il est depuis longtemps ami de M. d’Alembert[2], et cela me dispense de vous en dire davantage. Le paquet que M. Bitaubé vous remettra contient le Recueil de Tables astronomiques que notre Académie a fait imprimer l’année passée. C’est le meilleur cours d’Astronomie qu’on puisse avoir, et je crois que vous en serez content. Ce qui augmente maintenant le mérite de cet Ouvrage, c’est que l’on vient de perdre celui à qui on le doit. M. Lambert est mort, avant-hier au soir, de consomption[3], fort regretté de tous ceux qui l’ont connu, par son profond savoir, et par la droiture et la bonté de son cœur. Je suis touché de cette perte au delà de tout ce que je puis vous dire, et je la regarde comme irréparable pour notre Académie en particulier, et pour les sciences en général. J’étais un peu prévenu contre lui lorsque j’arrivai ici ; mais, dès que j’eus connu tout son mérite, je conçus pour lui la plus forte estime, et je n’ai pas à me reprocher de ne lui avoir pas rendu du fond de mon cœur, en toute occasion, la justice qui lui était due. Il n’avait pas encore cinquante ans et était plein de santé il y a un an. Il a dépéri peu à peu et est mort sans s’en douter. C’est la plus grande perte que notre Académie pût faire.

  1. Ms. f° 44.
  2. Voir la note 1 de la page 79 du Tome XIII.
  3. Voir t. XIII, p. 333.