Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


poursuivi en justice, lui déféra le serment ; il jura qu’il avait payé. Les juges, nécessairement, crurent l’officier[1].

Tout cela, pourtant, ne l’avançait guère. Sa caisse, fêlée de toutes parts, va être à sec. Au printemps de 1885, il lui reste 7.000 francs de valeurs et 30 louis en or[2]. Pendant les manœuvres des Alpes, son agenda le montre en proie aux soucis d’argent les plus violents, harcelé pour des sommes minimes, « de plus en plus désespéré ». Ce petit cahier, où il note, au jour le jour, ses impressions, fait apparaître, avec un singulier relief, l’étonnante multiplicité de l’homme. Il suit les manœuvres avec attention, regarde bien le pays, écrit, tous les jours, une vingtaine de lettres, télégraphie, entre deux étapes, des ordres de Bourse, poursuit une intrigue, fait tête aux huissiers, engage des procès, et, certainement, a été remarqué par ses chefs pour son intelligence et sa décision.

À la première page : Ave, dea, moriturus te salutat. La déesse se nomme Clélia ; il appelle son cheval du même nom. Je copie au hasard :

Réclamations du 135e pour 28 francs de nécessaire d’armes… Écris à Clélia… À Aups, les lieutenants organisent un petit bal où va Mathieu dont le père est mort il y a quinze jours. Réflexions noires… À Castellane, logé chez du Villars. Chocolat et punaises… Suis d’avant-garde. Lettre charmante de Clélia… Écris Bermond (son homme d’affaires). Écris Crédit lyonnais… Lettre infecte de Clélia.
  1. Affaire Brion-Esterhazy. (Tribunal de Marseille, audiences des 17 et 24 février 1885.) — Il s’agit d’un appartement où Esterhazy a installé sa maîtresse et d’où il a déménagé sans payer son terme.
  2. En juin, 7. 850 francs, dont 7.100 en valeurs, le reste en monnaie. — En juillet 6.000 francs.