Page:Journal asiatique, série 1, tome 5.djvu/92

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changeur, ne doutait pas qu’il n’eût avec lui des sacs remplis d’or ; il n’oubliait pas non plus la jeune Tan, qui était un modèle de grâce et de beauté, tandis que lui n’avait qu’une femme vieille et mourante ; il n’en fallut pas davantage pour enflammer sa cupidité. Dès le moment où ils s’étaient embarqués, il avait déjà formé le plus affreux dessein ; seulement, l’occasion favorable pour l’exécuter ne s’était pas encore présentée. Un jour qu’un vent impétueux avait poussé le bateau au pied du mont Kiang-lang, voici le stratagème qu’il imagina. Nous n’avons plus de bois à brûler, dit-il a M. Weï ; je désirerais en aller couper sur la montagne voisine ; mais une chose me retient ; il y a dans la forêt une énorme bête féroce, qui sort sans cesse, et dévore les hommes qu’elle rencontre ; oserais-je vous prier de m’accompagner ? Weï, qui ne se doutait pas de son odieux dessein, se rendit à sa demande, et sortit avec lui.

Tchang, pour aller plus sûrement à son but, le conduisit par mille sentiers obscurs et détournés, et, voyant que la solitude et le silence favorisaient le crime qu’il méditait, il se mit à couper du bois et ordonna à Weï-te de le lier en faisceau. Celui-ci avait la tête baissée, et ne songeait qu’à ramasser çà et là les branches que son compagnon avait abattues, lorsque Tchang, qui était derrière, lui déchargea un coup de hache, qui lui fendit l’épaule, et l’étendit par terre sans connaissance ; un second coup lui entr’ouvrit la tête, et en fit jaillir des flots de sang ; peu s’en fallait que Weï ne rendit le dernier soupir. À cette vue,