Page:Journal asiatique, série 1, tome 5.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment décidée à chercher son mari jusqu’à ce qu’elle découvrit ses restes sanglans, et qu’elle s’assurât elle-même de la vérité. Tchang, voyant qu’elle ne voulait pour rien au monde retourner sur ses pas, imagina un mensonge dont le résultat trompa bien son attente. Jeune femme, dit-il y en faisant semblant de lui montrer quelque chose dans le lointain, vous ne songez qu’à aller en avant imprudente que vous êtes, n’apercevez-vous pas là-bas le monstre qui a dévoré votre mari ? Madame Tan lève la tête, et d’un œil timide cherche à découvrir l’animal. Tout à coup, elle entend un rugissement terrible qui annonçait assez son approche ; les derniers sons de ce cri redoutable frémissaient encore à son oreille, quand un vent impétueux fait retentir toute la forêt, d’où sort un énorme léopard, blanchi de vieillesse, et dont les yeux brillaient comme deux torches flamboyantes. Il va droit à Tchang et le jette à la renverse ; à peine eut-il poussé un cri, que le léopard le saisit par-derrière, et, partant comme un trait l’emporte au fond de la forêt pour lui servir de pâture. À ce spectacle, madame Tan glacée de terreur, tomba sans connaissance, et resta dans cet état près de la moitié d’un jour.

Au sortir de cette léthargie y elle promène ses regards autour d’elle, et ne voyant plus Tchang, elle commença à croire qu’il y avait sur la montagne un léopard, dont son mari était devenu la victime, et que le batelier ne lui en avait pas imposé. Le cœur tout ému de ce qui venait de se passer, elle n’osait faire un pas en avant. Enfin, reconnaissant le chemin par