Page:Journal asiatique, série 1, tome 5.djvu/96

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où elle était venue, elle s’en retourne, et à chaque pas verse des torrens de larmes. Elle n’était pas encore sortie de la montagne, qu’elle aperçoit un objet qui ressemblait à un homme, sans qu’on pût dire que c’en fût un ; il sortait du côté oriental de la montagne, et se dirigeait vers elle. Madame Tan s’écria avec émotion : C’est encore le léopard, je suis morte. À ces mots les forces l’abandonnent, et elle tombe à la renverse. Quelques instans après, ayant prêté l’oreille, elle entend d’une voix distincte : Chère épouse, est-ce vous ? comment vous trouvez-vous ici ? levez-vous, et venez soutenir mes pas chancelans. Madame Tan, ouvrant les yeux, reconnaît son mari Weï-te, dont le visage était inondé de sang, ce qui faisait qu’il avait à peine la figure d’un homme. Il n’était pas réglé dans le destin que Weï-te dût mourir ce jour-là ; car, quoique la hache lui eût fait de larges blessures, ses douleurs s’étaient bientôt calmées. Après la fuite de Tchang, il s’était éveillé comme d’un profond sommeil, et, après avoir bandé, avec les lanières de sa chaussure, les plaies dont sa tête était couverte, il se disposait à revenir lorsqu’il rencontra son épouse. Madame Tan, en voyant le triste état de son mari, crut que c’était le résultat de la fureur du léopard. Mais au récit que lui fit Weï-te elle reconnut que l’auteur de ce cruel traitement était le batelier, qui avait imaginé l’apparition du léopard pour tuer impunément son mari, mais que bientôt après le léopard l’avait lui-même dévoré.

Les deux époux, reconnaissant l’effet de la puissance