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AVANT-PROPOS


s’appuyant sur le droit, peut écrire ses prescriptions dans un code public et s’imposer par la force, on ne doit jamais les séparer dans la conduite de la vie.

Nous avons encore beaucoup de progrès à faire dans l’une et l’autre science, aussi bien dans celle du droit, dont nous parlons beaucoup, que dans celle de la vertu, dont nous ne parlons plus guère. J’espère donc que ceux qui ont en France quelque souci de la morale philosophique me sauront gré d’avoir traduit de Kant, c’est-à-dire du plus grand moraliste des temps modernes, et expliqué à leur usage, après la Doctrine du droit, que j’ai publiée l’an dernier, la Doctrine de la vertu, qui paraît aujourd’hui. L’éclatant succès qu’a obtenu dans ces deux dernières années le livre de M. Jules Simon sur le Devoir, montre bien que le goût des idées morales n’est pas aussi émoussé parmi nous qu’on serait souvent tenté de le croire : s’il s’oblitère dans la foule qui suit le torrent (et quel torrent !), il y a une réaction, bien naturelle, qui le ravive en beaucoup d’âmes. L’Éthique de Kant, comme sa théorie du droit, est un ouvrage tout scientifique, et qui ne s’adresse guère qu’aux esprits initiés à l’étude de la philosophie ; mais dans ce genre, qui a bien aussi son importance, elle est un des monuments les plus sévères et les plus solides que le génie de l’homme ait jamais élevés à la vertu. C’est à elle surtout que s’applique ce qu’a dit M. Cousin de la Critique de la raison pratique ; car celle-ci ne fait que poser les fondements sur lesquels s’élève l’édifice même de la doctrine des mœurs.

Le public français a maintenant sous les yeux, traduit et commenté, tout le système de la morale rationnelle, telle que Kant l’a conçue. Les Fondements de la métaphysique des mœurs, en posant d’abord les idées de devoir et de liberté, et la Critique de la raison pratique, en reprenant ces fon-