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DEVOIRS ENVERS LES AUTRES HOMMES.


C.
la sympathie est en général un devoir.


§ 34.


La sympathie pour la joie ou la peine d’autrui[1] (sympathia moralis) est à la vérité le sentiment sensible d’un plaisir ou d’une peine (pouvant justement être appelé esthétique) qui s’attache à l’état de satisfaction ou d’affliction d’autrui, et dont la nature nous a déjà rendus susceptibles. Mais c’est encore un devoir particulier, quoique simplement conditionnel, de se servir de cette sympathie comme d’un moyen en faveur de la bienveillance active que prescrit la raison, et c’est ce devoir que l’on désigne sous le nom d’humanité (humanitas) : on ne considère pas seulement ici l’homme comme un être raisonnable, mais aussi comme un animal doué de raison. Or l’humanité peut être placée dans le pouvoir et la volonté de se communiquer les uns aux autres ses sentiments (humanitas practica), ou dans la capacité que nous avons d’éprouver en commun le sentiment du plaisir ou de la peine, que nous donne la nature même (humanitas æsthetica). La première est libre (communio sentiendi libera), et elle se fonde sur la raison pratique ; la seconde est nécessaire (communio sentiendi necessaria), et elle se communique (comme la chaleur ou les maladies contagieuses), c’est-à-dire qu’elle se répand naturellement parmi les hommes

  1. Mitfreude und Mitleid.