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DE LA DOCTRINE DE LA VERTU.


ment accessoire ; mais qu’on n’oublie pas que la morale ne fonde pas sur ce genre de considérations la valeur de ses préceptes. Autrement tout est perdu : la vertu, devenue en quelque sorte une chose vénale, n’a plus aucune dignité, et l’idée du devoir s’évanouit. Cette idée n’a jamais plus de force que quand elle se montre à nous dans toute sa pureté : elle fait naître alors dans l’âme le sentiment d’une grandeur qui l’étonne elle-même, et. en la remplissant d’admiration, la rend capable de vaincre tous les obstacles. Aussi Kant conseille-t-il de montrer, sinon au début, du moins au terme de l’éducation, dans une récapitulation générale de nos devoirs, tous les maux que la pratique de chacun d’eux peut attirer sur nos têtes, afin de développer dans l’âme la conscience de la force qui l’élève au-dessus de la nature.

Il demande aussi qu’on ajoute à l’explication de nos différents devoirs certaines questions casuistiques, qui serviraient à exercer les jeunes esprits, encore trop peu mûrs pour les questions spéculatives, et qui, par l’intérêt qu’elles exciteraient en eux, leur feraient aimer ce qu’ils auraient étudié de la sorte et les attacheraient insensiblement à la vertu.

Enfin il insiste à plusieurs reprises sur le danger de mêler dans l’éducation le catéchisme moral avec le catéchisme religieux, et de donner au premier le second pour base. C’est bien plutôt l’ordre inverse qu’il faut suivre. « Autrement, dit Kant 1[1], les enseignements de la religion manqueront de pureté : on ne se soumettra plus au devoir que par crainte, et la moralité n’étant pas dans le cœur, sera mensongère. — Aussi, ajoute-t —il, les plus dignes et les plus grands théologiens se sont-ils fait scrupule de composer un catéchisme renfermant les statuts de la doctrine religieuse, et de s’en rendre garants, tandis qu’on devait croire que c’était là la moindre chose que l’on pût justement attendre du grand trésor de leur savoir. »


La vertu n’est pas faite seulement pour être étudiée, mais pour être pratiquée : il ne suffit donc pas ici d’exercer l’es prit ; il faut encore exercer la volonté. Ce dernier exercice, qui a

  1. 1 P. 174.