Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/45

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— Pour l’avoir tué ? Mais, sahib, réfléchis. En passant parmi nous, ses serviteurs, il a jeté les yeux sur mon enfant, qui était âgé de quatre ans. Il l’a ensorcelé, et au bout de dix jours le petit est mort de la fièvre. Mon petit !

— Qu’a dit Imray Sahib ?

— Il a dit que c’était un bel enfant, et l’a tapoté sur la tête ; c’est pourquoi mon petit est mort. C’est pourquoi j’ai tué Imray Sahib au crépuscule, tandis qu’il dormait à son retour du bureau. Le fils du ciel sait tout. Je suis le serviteur du fils du ciel.

Strickland me regarda par-dessus le fusil et me dit, en hindoustani :

— Tu es témoin de ces paroles. Il a tué.

Bahadur Khan, à la lumière de l’unique lampe, était gris de cendre. Le besoin de se justifier lui vint très vite.

— Je suis pris, dit-il, mais c’est cet homme qui m’avait offensé. Il a jeté le mauvais œil sur mon petit, et moi je l’ai tué et caché. Ceux-là seuls qui ont à leur service des démons (et il foudroyait du regard Tietjens couchée obstinément là devant lui), ceux-là seuls pouvaient savoir ce que j’ai fait !

— Tu as été habile. Mais tu aurais dû l’attacher à la poutre avec une corde. À présent, c’est toi que l’on va pendre à une corde. Holà ! les hommes de service !

Un policeman somnolent répondit à l’appel de Strickland. Il fut suivi d’un autre, et Tietjens s’assit tranquillement.

— Emmenez-le au poste, dit Strickland. Il est inculpé.