Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/245

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Évidemment Shakespeare et Milton ont fait de leur mieux pour répandre la langue anglaise chez les habitants moins favorisés de l’Europe. Newton et Darwin ont peut-être réussi à rendre la connaissance de leur langue nécessaire aux étrangers soucieux de l’évolution de la pensée humaine. Dickens et surtout Ouida auront peut-être encore davantage aidé à la rendre populaire. Mais celui qui a répandu la connaissance de l’anglais depuis le cap St-Vincent jusqu’aux monts de l’Oural, c’est l’Anglais qui, incapable ou peu désireux d’apprendre un seul mot d’une autre langue, voyage, le porte-monnaie à la main, dans tous les coins du continent. On pourrait être choqué de son ignorance, irrité de sa stupidité, écœuré de sa présomption. Le résultat pratique subsiste ; c’est cet homme qui britannise l’Europe. C’est pour lui que chaque paysan suisse par les soirées d’hiver trotte à travers les neiges pour assister au cours d’anglais. C’est pour lui que le cocher et le conducteur de train, la femme de chambre et la blanchisseuse pâlissent sur leur grammaire anglaise et sur les manuels de conversation. C’est pour lui que les boutiquiers et marchands étrangers envoient leurs fils et leurs filles par milliers faire leurs études dans toutes les villes anglaises. C’est pour lui que tous les hôteliers ou restaurateurs en quête de personnel ajoutent à leurs annonces : « Inutile de se présenter sans une connaissance suffisante de la langue anglaise. »