Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voir ni jointure ni veine saillante. Enfin, le pied de la ravissante créature apparaît petit, mince et potelé. Son angélique beauté, qui a pris naissance dans le ciel, ne se peut cacher sous aucun voile.

Sur toute sa personne un charme est répandu, qu’elle parle, qu’elle rie, qu’elle chante ou qu’elle marche. Il n’est pas étonnant que Roger en soit épris, tant il la trouve séduisante. Ce qu’il avait entendu dire d’elle par le myrte, au sujet de sa perfidie et de sa méchanceté, ne lui sert plus à rien, car il ne peut s’imaginer que la fourberie et la trahison puissent se cacher sous un si suave sourire.

Il aime mieux croire que si elle a métamorphosé Astolphe sur le rivage, c’est pour son ingratitude et sa conduite coupable, et qu’il mérite une semblable peine et plus encore. Il tient pour faux tout ce qu’il a entendu dire sur son compte, et il pense que la vengeance et l’envie ont poussé ce malheureux à médire d’elle, et qu’il a complètement menti.

La belle dame qu’il aimait tant est maintenant loin de son cœur ; car, par ses enchantements, Alcine l’a guéri de toutes ses anciennes blessures amoureuses, et d’elle seule, de son amour, elle le rend soucieux. Son image seule reste désormais gravée dans le cœur du bon Roger, et c’est là ce qui doit le faire excuser de son inconstance et de sa légèreté.

Les cithares, les harpes et les lyres faisaient, autour de la table du festin, résonner l’air d’une