Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/22

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venger la mort de Trojan sur le roi Charles, empereur romain.

Je dirai de Roland, par la même occasion, des choses qui n’ont jamais été dites en prose ni en rime ; comment, par amour, il devint furieux et fou, d’homme qui auparavant avait été tenu pour si sage. Je le dirai, si, par celle qui en a fait quasi autant de moi en m’enlevant par moments le peu d’esprit que j’ai, il m’en est pourtant assez laissé pour qu’il me suffise à achever tout ce que j’ai promis.

Qu’il vous plaise, race généreuse d’Hercule, ornement et splendeur de notre siècle, ô Hippolyte, d’agréer ce que veut et peut seulement vous donner votre humble serviteur. Ce que je vous dois, je puis le payer partie en paroles, partie en écrits. Et qu’on ne me reproche pas de vous donner peu, car tout autant que je puis donner, je vous donne.

Vous entendrez, parmi les plus dignes héros que je m’apprête à nommer avec louange, citer ce Roger qui fut, de vous et de vos aïeux illustres, l’antique cep. Je vous ferai entendre sa haute valeur et ses faits éclatants, si vous me prêtez l’oreille et si vos hautes pensées s’abaissent un peu, de façon que jusqu’à elles mes vers puissent arriver.

Roland, qui longtemps fut énamouré de la belle Angélique et pour elle avait dans l’Inde, en Médie, en Tartarie, laissé d’infinis et d’immortels trophées, était revenu avec elle dans le Ponant, où, sous les grands monts Pyrénéens, avec les