Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/285

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d’en donner avis à celui qui m’a enfermée ici — je suis prête à te révéler la vérité, dût ma vie en dépendre. Quel plus grand service puis-je du reste attendre de lui, sinon qu’il lui prenne un jour fantaisie de me faire mourir ?

« Je m’appelle Isabelle ; je fus la fille de l’infortuné roi de Galice. Je dis bien je fus, car je ne suis plus désormais que l’enfant de la douleur, de l’affliction et de la tristesse. C’est la faute de l’amour, et je ne sais si c’est de sa perfidie que je dois me plaindre le plus, car ses doux commencements furent dissimulés sous la tromperie et sous la fraude.

« Autrefois, je vivais heureuse de mon sort ; noble, jeune, riche, honnête et belle. Aujourd’hui, je suis humiliée et pauvre ; aujourd’hui je suis malheureuse. Et s’il est un sort plus terrible encore, il m’est réservé. Mais je veux que tu connaisses la cause première du malheur qui me frappe. Bien que tu ne puisses m’être utile en rien, je pense que par toi ma situation ne peut pas s’aggraver beaucoup.

« Mon père, voici aujourd’hui douze mois, donna à Bayonne des joutes dont le bruit attira sur nos terres les chevaliers de divers pays, venus pour y prendre part. Parmi eux tous, soit qu’Amour me le montrât ainsi, soit que le mérite éclate de lui-même, le seul Zerbin me parut digne de louanges. Il était fils du grand roi d’Écosse.

« Après l’avoir vu dans la lice accomplir des merveilles de chevalerie, je fus éprise d’amour pour lui, et je ne m’en aperçus que lorsque je