Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/305

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morts et abandonnés au loup, au corbeau, à l’aigle vorace. Et bien que les Français fussent plus maltraités, ayant perdu toute la campagne, les Sarrasins avaient à se plaindre plus encore, par suite de la perte d’un grand nombre de leurs princes et de leurs grands barons.

Leurs victoires avaient été si sanglantes, qu’ils n’avaient pas à s’en réjouir. Et s’il est permis, invincible Alphonse, de comparer les choses modernes aux choses antiques, la grande victoire dont la gloire est votre œuvre immortelle et dont Ravenne doit pleurer toujours, ressemble aux victoires des Sarrasins.

Les Morins et les Picards, ainsi que les forces normandes et d’Aquitaine pliaient déjà, lorsque vous vous jetâtes au milieu des étendards ennemis de l’Espagnol presque victorieux, ayant derrière vous ces vaillants jeunes hommes qui, par leur courage, méritèrent en ce jour de recevoir de vous les épées et les éperons d’or.

Ils vous secondèrent avec tant d’ardeur, vous suivant de près dans ce grand péril, que vous fîtes s’écrouler le gland d’or, et rompîtes le bâton jaune et vermeil. Un laurier triomphal vous est dû pour avoir empêché le lis d’être détruit ou défloré. Une autre couronne doit encore orner votre front, pour avoir conservé à Rome son Fabricius.

La grande Colonne du nom romain, que vous protégeâtes et sauvâtes d’une entière destruction, vous vaut plus d’honneur que si, sous votre main, était tombée toute la fière milice qui engraisse les