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pas comme elles le devraient, Il en résulte que la pauvreté relative de chaque idiome, pour ceci ou cela, nous oblige souvent à nous approprier des mots, et jusqu’à des expressions entières, de langues étrangères, sous peine de nous exprimer incorrectement et même de raisonner faussement. Le moyen de remédier à ces inconvénients serait de ne posséder que deux langues, ce qui permettrait à tous d’en être plus tôt maître et favoriserait le développement de chaque idiome, en le mettant à même d’atteindre un plus haut degré de perfection et de richesse. Or, c’est la langue qui est le moteur principal de la civilisation. C’est grâce à elle que les hommes se sont élevés si haut au-dessus des animaux. plus sa langue est parfaite, plus un peuple est accessible au progrès.

La différence des langues est une des sources principales de la divergence et de l’hostilité réciproque des nations, puisque c’est la langue qui frappe avant tout les hommes, lorsqu’ils se rencontrent : n’ayant pas le moyen de nous faire comprendre, nous nous évitons les une les autres. En s’abordant, les hommes ne s’informent pas de leurs opinions politiques, de la partie du globe où ont vécu leurs ancêtres pendant plus ou moins de temps, — mais ils parlent — et, aussitôt, chaque son des mots qu’ils prononcent leur rappelle qu’ils sont étrangers l’un à l’autre, Celui à qui il est jamais arrivé d’habiter quelque temps une ville où se heurtent diverses races hostiles ne manquera pas de comprendre et d’apprécier quel immense service rendrait une langue internationale qui, sans se mêler de la vie intérieure des peuples, pourrait être, du moins dans un paye habité par des nations différentes, langue officielle et mondaine.

Enfin, il me semble inutile d’insister sur l’importance énorme qu’elle aurait pour les sciences et le commerce. Quiconque a réfléchi sérieusement à cette question, ne fût-ce qu’une fois en sa vie, a dû nécessairement reconnaître qu’aucun sacrifice ne serait trop grand pour acquérir une langue universelle. Aussi tout essai dans ce but, si faible qu’il soit, devrait attirer notre attention.

L’œuvre que je présente au public, aujourd’hui, est le fruit d’un travail mûri par de longues années de labeur ;