Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/105

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L’absence de M. de Canaple, et les reproches qu’elle ne cessait de se faire d’être sensible, malgré son devoir, pour un homme dont l’indifférence ne laissait même aucune excuse à sa faiblesse, avaient produit quelque effet. M. de Granson la trouva embellie, et il se remit à l’aimer avec autant de vivacité que jamais. Elle recevait les empressements de son mari avec plus de complaisance qu’elle n’avait encore fait ; il lui semblait qu’elle lui devait ce dédommagement, et qu’elle n’en pouvait trop faire pour réparer le tort secret qu’elle se sentait.

Tant qu’elle avait été seule, elle avait évité, sous ce prétexte, de recevoir du monde ; la présence de M. de Granson le fit cesser, et attira dans le château tous les hommes et toutes les femmes de condition du voisinage. M. de Canaple, pressé par son ami, y vint aussi. Madame de Granson, qui s’était bien promis de ne le plus distinguer des autres, par le bien ou le mal traiter, le reçut, et vécut avec lui très poliment. Il crut devoir ce changement au conseil qu’il avait donné, et se confirma par là dans l’opinion où il était déjà de la passion de madame de Granson pour son mari.

M. de Granson aimait les plaisirs ; sa femme, attentive à lui plaire, se prêtait à tous les amusements que la campagne peut fournir. On chassait, on allait à la pêche, et souvent on passait les nuits entières à danser. Le comte de Canaple faisait voir, dans tous ces différents exercices, sa bonne grâce et son adresse : il était galant avec toutes les femmes ; il plaisait à toutes, et parmi celles qui étaient chez madame de Granson, il y en avait plus d’une auprès