Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/106

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de laquelle il eût pu réussir, s’il eût voulu ; mais il était bien éloigné de le vouloir.

M. de Châlons, dont les terres étaient peu éloignées, vint des premiers voir monsieur et madame de Granson : il avait fait ses premières armes avec le comte de Canaple : ils se revirent avec plaisir, et renouèrent une amitié qui avait commencé dès leur plus tendre jeunesse. M. de Châlons engagea le comte de Canaple de venir passer quelque temps avec lui dans une terre qu’il avait à une lieue de Vermanton. La chasse était leur principale occupation : le comte de Canaple, entraîné à la poursuite d’un cerf, se trouva seul au commencement de la nuit dans la forêt. Comme il en connaissait toutes les routes, et qu’il se vit fort près de Vermanton, il en prit le chemin. Il était si tard, quand il y arriva, et celui qui lui ouvrit la porte était si endormi, qu’à peine put-il obtenir qu’il lui donnât de la lumière. Il monta tout de suite dans son appartement, dont il avait toujours une clef. La lumière qu’il portait s’éteignit dans le temps qu’il en ouvrit la porte ; il se déshabilla, et se coucha le plus promptement qu’il put.

Mais, quelle fut sa surprise quand il s’aperçut qu’il n’était pas seul, et qu’il comprit, par la délicatesse d’un pied qui vint s’appuyer sur lui, qu’il était couché avec une femme. Il était jeune et sensible : cette aventure, où il ne comprenait rien, lui donnait déjà beaucoup d’émotion, quand cette femme, qui dormait toujours, s’approcha de façon à lui faire juger très avantageusement de la beauté de son corps.

De pareils moments ne sont pas ceux des réflexions.