Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/116

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jugez quelle serait ma douleur, si, pendant mon absence, il y avait quelque action. Je ne vous demande, lui dit M. de Granson, que deux jours. J’irai, répliqua le comte de Canaple, vous attendre à Dijon, où j’ai quelque affaire à régler.

Le comte de Canaple, qui craignait, après ce qui venait de se passer, la vue de madame de Granson, trouvait une espèce de consolation dans la nécessité où il était de partir. Mais il pensa bien différemment, lorsqu’en arrivant au château, il apprit que, sous le prétexte d’une indisposition, elle s’était mise au lit, et qu’elle avait ordonné que personne n’entrât dans sa chambre. Cet ordre, dont il ne vit que trop qu’il était l’objet, le pénétra de douleur. Si j’avais pu la voir, disait-il, ma tristesse lui aurait dit ce que je ne puis lui dire. Peut-être m’accuse-t-elle de hardiesse : elle aurait du moins pu lire dans mes yeux, et dans toute ma contenance, combien j’en suis éloigné. L’absence ne me paraissait supportable qu’autant qu’elle était une marque de mon respect ; ce n’est qu’à ce prix que je puis m’y résoudre. Il faut du moins que madame de Granson sache que je la fuis pour m’imposer les lois qu’elle m’imposerait si elle daignait m’en donner.

Il ne pouvait se résoudre à s’éloigner ; il espérait que M. de Granson entrerait dans la chambre de sa femme, et qu’il pourrait le suivre ; mais madame de Granson, qui craignait ce que le comte de Canaple espérait, fit prier son mari de la laisser reposer.

Il fallut enfin, après avoir fait tout ce qui lui fut possible, partir sans la voir. La compagnie des gens