Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 3.djvu/117

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d’armes de M. de Châlons était aussi en Picardie. Le comte de Canaple résolut de passer chez son ami pour l’instruire de ce qu’il venait d’apprendre. M. de Châlons n’était pas chez lui : il arriva tard, et retint le comte de Canaple si longtemps, qu’il ne put partir que le lendemain.

Il avait marché une partie de la journée, quand, en montant une colline, un homme à lui lui fit apercevoir un chariot des livrées de M. de Granson, que les chevaux entraînaient avec beaucoup de violence dans la pente de la colline. Il reconnut bientôt une voix dont il entendit les cris. C’était celle de madame de Granson. Il vola à la tête des chevaux : après les avoir arrêtés, il s’approcha du chariot. Madame de Granson y était évanouie ; il la prit entre ses bras, et la porta sur un petit tertre de gazon. Tous ceux de l’équipage, occupés à raccommoder le chariot ou à aller chercher du secours dans une maison voisine, le laissèrent auprès d’elle. Il y était seul : elle était entre ses bras. Quel moment, s’il avait pu en goûter la douceur ! Mais il ne devait qu’à la fortune seule l’avantage dont il jouissait. Madame de Granson n’y aurait pas donné son aveu.

Elle reprit connaissance dans le temps que ceux qui étaient allés chercher du secours revenaient ; et, sans avoir tourné les yeux sur le comte de Canaple, elle demanda de l’eau ; il s’empressa pour lui en présenter ; elle le reconnut alors, et son premier mouvement fut de le refuser. La tristesse qu’elle vit dans ses yeux ne lui en laissa pas la force ; elle prit ce qu’il lui présentait. Cette faveur, qui n’en était une que par le